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ANNÉE 1767

épousé la fille. Je n’ai jamais ouï dire qu’il eût trahi l’État. Je ne conçois pas comment cet infâme La Beaumelle a pu débiter une calomnie aussi punissable. Je vous supplie de vouloir bien me dire ce qui a pu servir de prétexte à une pareille imposture. Je m’occupe, dans la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV, à confondre tous les contes de cette espèce, dont plus de cent gazetiers, sous le nom d’historiens, ont farci leurs impertinentes compilations. Je vous assure que je n’en ai pas vu deux qui aient dit exactement la vérité.

J’espère que vous ne dédaignerez pas de m’aider dans la pénible entreprise de relever la gloire d’un siècle sur la fin duquel vous êtes né, et dont vous êtes l’unique reste : car je compte pour rien ceux qui n’ont fait que vivre et vieillir, et dont l’histoire ne parlera pas.

M. le duc de La Vallière enrichit votre bibliothèque de l’Histoire du Théâtre[1]. Ce qu’il a ramassé est prodigieux. Il faut qu’il lui soit passé plus de trois mille pièces par les mains ; cela est tout fait pour un premier gentilhomme de la chambre.

Conservez vos bontés, cette année 1768, au plus ancien de vos serviteurs, qui vous sera attaché le reste de sa vie, monseigneur, avec le plus profond respect.

7143. — À M. DE CHABANON.
18 janvier.

La grippe, en faisant le tour du monde, a passé par notre Sibérie, et s’est emparée un peu de ma vieille et chétive figure. C’est ce qui m’a empêché, mon cher confrère, de répondre sur-le-champ à votre très-bénigne lettre du 4 de janvier. Quoi ! lorsque vous travaillez à Eudoxie vous songez à ce paillard de Samson et à cette p… de Dalila ; et de plus, vous nous envoyez du beurre de Bretagne ! il faut que vous ayez une belle âme !

Savez-vous bien que Rameau avait fait une musique délicieuse sur ce Samson ? Il y avait du terrible et du gracieux. Il en a mis une partie dans l’acte des Incas, dans Castor et Pollux, dans Zoroastre. Je doute que l’homme[2] à qui vous vous êtes adressé ait autant de bonne volonté que vous ; et je serai bien étonné s’il ne fait pas tout le contraire de ce que vous l’avez prié de faire, le tout en douceur, et en cherchant le moyen déplaire. Je

  1. Voyez la note 2, page 495.
  2. Moncrif, auteur d’un Essai sur la nécessité et sur les moyens de plaire.