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CORRESPONDANCE.

Il y a un livre[1] à Paris qui fait grand bruit, et qu’on dit fort bien fait. On y prouve que le clergé n’est qu’une compagnie, et non le premier corps de l’État. Je souhaite assurément que les finances des Welches se rétablissent ; mais le commerce seul peut opérer notre guérison, et les Anglais sont les maîtres du commerce des quatre parties du monde.

Comptez que pour le petit pays de Gex, il restera toujours maudit de Dieu. Mais, en récompense, il bénit la Russie et la Pologne. Ma belle Catherine m’a mandé[2] qu’elle avait consulté dans la même salle des païens, des mahométans, des grecs, des latins, et cinq ou six autres menues sectes, qui ont bu ensemble largement et gaiement. Tout cela nous rend petits et ridicules.

Les ermites entourés de neige vous embrassent bien cordialement.

7142. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 18 janvier.

Ce n’est aujourd’hui ni au vainqueur de Mahon, ni au libérateur de Gênes, ni au vice-roi de la Guienne, que j’ai l’honneur d’écrire, ; c’est à un savant dans l’histoire, et surtout dans l’histoire moderne.

Vous devez savoir, monseigneur, si c’était votre beau-père ou le prince son frère qu’on appelait le sourdaud. Si ce titre avait été donné à l’aîné, le cadet n’en était certainement pas indigne.

Voici les paroles que je trouve dans les Mémoires de Mme de Maintenon[3] :

« La princesse d’Harcourt n’osait proposer à Mlle d’Aubigné son fils aîné le prince de Guise, surnommé le sourdaud. Pour le rendre un plus riche parti, elle lui avait sacrifié le cadet, qu’elle avait fait ecclésiastique. Cet abbé malgré lui ayant depuis trahi son maître, la mère alla se jeter aux pieds du roi, qui, la relevant, lui dit de ce ton majestueux de bonté qui lui était particulier : « Eh bien ! madame, nous avons perdu, vous, un indigne fils, moi, un mauvais sujet ; il faut nous consoler ! »

Je soupçonne que l’auteur parle ici de feu M. le prince de Guise, qui avait été abbé dans sa jeunesse, et dont vous avez

  1. Voyez une note sur la lettre 7146.
  2. Cette lettre de Catherine manque.
  3. Livre XII, chap. i.