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ANNÉE 1767

mieux que le Dupuis de Desronais[1]. Je souhaite à M. le duc de Choiseul que tous les officiers qu’il emploie soient aussi sages et aussi attachés à leur devoir. Je l’attends avec impatience, dans l’espérance qu’il nous parlera longtemps de vous.

Que je vous remercie de vos bontés pour Sirven ! Il faut être aussi opiniâtre que je le suis, pour avoir poursuivi cette affaire pendant cinq ans entiers, sans jamais me décourager. Vous venez bien à propos à mon secours. Je sais bien que cette petite pièce n’aura pas l’éclat de la tragédie des Calas ; mais nous ne demandons point d’éclat, nous ne voulons que justice.

Votre citation du chien qui mange comme un autre du dîner qu’il voulait défendre est bien bonne ; mais je vous supplie de croire par amitié, et faire croire aux autres par raison et par l’intérêt de la cause commune, que je n’ai point été le cuisinier qui a fait ce dîner[2]. On ne peut servir dans l’Europe un plat de cette espèce qu’on ne dise qu’il est de ma façon. Les uns prétendent que cette nouvelle cuisine est excellente, qu’elle peut donner la santé, et surtout guérir des vapeurs. Ceux qui tiennent pour l’ancienne cuisine disent que les nouveaux Martialo[3] sont des empoisonneurs. Quoi qu’il en soit, je voudrais bien ne point passer pour un traiteur public. Il doit être constant que ce petit morceau de haut goût est de feu Saint-Hyacinthe. La description du repas est de 1728. Le nom de Saint-Hyacinthe y est ; comment peut-on, après cela, me l’attribuer ? quelle fureur de mettre mon nom à la place d’un autre ! Les gens qui aiment ces ragoûts-là devraient bien épargner ma modestie.

Sérieusement, vous me feriez le plus sensible plaisir d’engager M. Suard à ne point mettre cette misère sur mon compte. C’est une action d’honnêteté et de charité de ne point accuser son prochain quand il est encore en vie, et de charger les morts à qui on ne fait nul mal. En un mot, mon cher ange, je n’ai point fait et je n’aurai jamais fait les choses dont la calomnie m’accuse.

Les envieux mourront, mais non jamais l’envie.

(Molière, Tartuffe, acte V, scène iii.)

Puis-je espérer que mon cher Damilaville aura le poste qui

  1. C’est-à-dire le personnage de Dupuis, dans la comédie de Collé intitulée Dupuis et Desronais.
  2. Le Dîner du comte de Boulainvilliers ; voyez tome XXVI, page 531.
  3. Cuisinier que Voltaire a nommé dans le vers 37 du Mondain ; voyez tome X.