Puisque votre ami, monsieur, veut absolument avoir les polissonneries que vous méprisez, je les lui envoie sous votre enveloppe[1]. Je n’en fais pas plus de cas que vous, et c’est bien malgré moi que je me suis chargé de ces rogatons.
Votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Ami vrai et poëte philosophe, ne vous avais-je pas bien dit[3] que le lecteur[4] ne serait jamais l’approbateur, et qu’il éluderait tous les moyens de me plaire, malgré tous les moyens qu’il a trouvés de plaire ? Ne trouvez-vous pas qu’il cite bien a propos feu M. le dauphin, qui, sans doute, reviendra de l’autre monde pour empêcher qu’on ne mette des doubles-croches sur la mâchoire d’âne de Samson ? Ah ! mon fils, mon fils ! la petite jalousie est un caractère indélébile.
M. le duc de Choiseul n’est pas, je crois, musicien : c’est la seule chose qui lui manque ; mais je suis persuadé que, dans l’occasion, il protégerait la mâchoire d’âne de Samson contre les mâchoires d’âne qui s’opposeraient à ce divertissement honnête, ut ut est. Il faut une terrible musique pour ce Samson qui fait des miracles de diable ; et je doute fort que le ridicule mélange de la musique italienne avec la française, dont on est aujourd’hui infatué, puisse parvenir aux beautés vraies, mâles et vigoureuses, et à la déclamation énergique que Samson exige dans
- ↑ C’était l’Homme aux quarante écus (voyez tome XXI, page 305) et le Dîner du comte de Boulainvilliers (voyez tome XXVI, page 531).
- ↑ Brossier était censé un habitant de Lyon ; c’est un des noms que Voltaire mettait quelquefois par précaution (voyez tome XLIII, page 568) au bas de ses lettres.
- ↑ Lettre 7143.
- ↑ M. de Moncrif, lecteur de la reine. (K.)
les commis de la poste, occupés à lire les lettres des honnêtes gens pour leur instruction et pour celle du gouvernement, s’étaient imaginé pendant longtemps que ces lettres étaient d’un M. Écrlinf, demeurant en Suisse. « Ce M. Écrlinf n’écrit pas mal », disaient-ils. (Note copiée sur une copie faite dans le temps.) (B.