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ANNÉE 1767

les trois quarts de la pièce. Par ma foi, la musique italienne n’est faite que pour faire briller des châtrés à la chapelle du pape. Il n’y aura plus de génie à la Lulli pour la déclamation, je vous le certifie dans l’amertume de mon cœur.

Revenons maintenant à Pandore. Oui, vous avez raison, mon fils : le bonhomme Prométhée fera une fichue figure, soit qu’il assiste au baptême de Pandore sans dire mot, soit qu’il aille, comme un valet de chambre, chercher les Jeux et les Plaisirs pour donner une sérénade à l’enfant nouveau-né. Le cas est embarrassant, et je n’y sais plus d’autre remède que de lui faire notifier aux spectateurs qu’il veut jouir du plaisir de voir le premier développement de l’âme de Pandore, supposé qu’elle ait une âme.

Cela posé, je voudrais qu’après le chœur,

Sa surpriDieu d’amour, quel est ton empire,


Prométhée dît, en s’adressant aux nymphes et aux demi-dieux de sa connaissance, qui sont sur le théâtre :

Sa surpriObservons ses appas naissants,
Sa surprise, son trouble, et son premier usage
Sa surprise, sDes célestes présents
Sa surpriDont l’amour a fait son partage[1].

Après ce petit couplet, qui me paraît tout à fait à sa place, le bonhomme se confondrait dans la foule des petits demi-dieux qui sont sur le théâtre ; et ce serait, à ce qu’il me semble, une surprise assez agréable de voir Pandore le démêler dans l’assemblée des sylvains et des faunes, comme Marie-Thérèse, beaucoup moins spirituelle que Pandore, reconnut Louis XIV au milieu de ses courtisans.

Il faut que je vous parle actuellement, mon cher ami, de la musique de M. de La Borde. Je me souviens d’avoir été très-content de ce que j’entendis ; mais il me parut que cette musique manquait, en quelques endroits, de cette énergie et de ce sublime que Lulli et Rameau ont seuls connus, et que l’opéra-comique n’inspirera jamais à ceux qui aiment il gusto grande.

Mes tendres sentiments à Eudoxie ; mes respects à Maxime et à l’ambassadeur. Assurez le bon vieillard, père d’Eudoxie, que je m’intéresse fort à lui.

  1. Ces vers n’ont pas été mis dans la scène qui fait le second acte de Pandore.