Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quons de tout à Ferney ; que nous n’avons nulle nouvelle de l’affaire de la Doiret ; que je suis très-malade et très-affligé, et que votre amitié me console. Il me semble que, si j’avais de l’argent, je le mettrais à la Banque royale. Cette opération de finance me paraît belle et bonne.

Je vous supplie de vouloir bien donner cours à l’incluse.


6686. — À M. LE CHEVALIER DE BEAUTEVILLE.
À Ferney, 19 janvier au soir.

Monsieur, je ne vous demande pas pardon de mon ignorance, mais de ma sottise ; heureusement Votre Excellence est indulgente et remplie de bontés. J’avais imaginé que je pourrais, lorsque la saison serait moins cruelle, venir vous faire ma cour à Soleure, et aller ensuite arranger mes petites affaires avec Sa très-dérangée Altesse le duc de Wurtemberg. Je croyais que messieurs les trésoriers des lignes, qui font quelquefois toucher de l’argent à Bâle, pourraient accepter la petite négociation que je proposais, le receveur du duc à Montbéliard m’ayant assuré qu’ils payeraient sans difficulté. Je trouve actuellement un correspondant à Neuchâtel qui me fera mes remises. Je ne puis remercier assez Votre Excellence de ses offres généreuses. M. Hennin ne nous a donné qu’un passe-port signé de lui pour le commissionnaire qui porte nos lettres. J’avoue que nous avons mangé aujourd’hui des soles aussi fraîches que si elles avaient été pêchées ce matin ; mais, par Apicius, ce n’est pas à M. Hennin que nous en avons l’obligation. Nous manquons précisément de tout ; nous n’avons autour de nous que des neiges. La voiture publique de Lyon n’arrive plus ; nous sommes bloqués, nous sommes les seuls qui souffrons. Les officiers qui nous assiègent en conviennent. J’ai pris la liberté d’en écrire un mot à M. le duc de Choiseul[1], et beaucoup de mots à MM. Dubois et de Bournonville[2] ; il est très-certain que les Genevois peuvent faire venir tout ce qu’ils veulent par la Savoie, par Milan, par la Suisse, par le Valais ; qu’ils peuvent manger des gelinottes, et de tout, excepté des soles. Ils ont de bon sucre, de bon café, de bonne bougie, et moi rien, tout comme Fréron[3]. La guerre et les neiges finiront quand il plaira à Dieu.

  1. Lettre 6662.
  2. Ces deux lettres manquent.
  3. Dans l’Écossaise, acte I, scène i ; voyez, tome V, page 421.