comme vous. J’y ai quelques amis, et ces amis ne sont pas assurément contents de la conduite de Rousseau, et le sont très peu de ses ouvrages. M. d’Alembert et M. Marmontel n’ont pas à se louer de lui.
Vous savez d’ailleurs que M. le duc de Choiseul n’est que trop informé des manœuvres lâches et criminelles de cet homme ; vous savez que son complice[1] a été arrêté dans Paris. J’ignore, après tout cela, comment vous avez appelé du nom de grand homme un charlatan qui n’est connu que par des paradoxes ridicules et par une conduite coupable.
Vous sentez d’ailleurs la valeur de ces expressions, à la page 8 de votre Avis[2] :
Achevez enfin par vos mœurs
Ce qu’ont ébauché vos ouvrages.
Je n’avais point vu votre Avis imprimé ; on ne m’en avait envoyé que les premiers vers manuscrits. Je laisse à votre probité et aux sentiments que vous me témoignez le soin de réparer ce que ces deux vers ont d’outrageant et d’odieux. Pesez, monsieur, ce mot de mœurs. J’ose vous dire que ni ma famille, ni mes amis, ni la famille des Calas, ni celle des Sirven, ni la petite-fille du grand Corneille, ne m’accuseront de manquer de mœurs. Vous conviendrez du moins qu’il y a quelque différence entre votre compatriote, qui a marié un gentilhomme de beaucoup de mérite avec Mlle Corneille, et un garçon horloger de Genève, qui écrit que monsieur le dauphin doit épouser la fille du bourreau[3] si elle lui plaît.
Les mœurs, monsieur, n’ont rien de commun avec les querelles de littérature ; mais elles sont liées essentiellement à l’honnêteté et à la probité dont vous faites profession. C’est à vos mœurs mêmes que je m’adresse. Les deux lettres que vous avez eu la bonté de m’écrire, l’amitié de M. le chevalier de Pezay, la vôtre, que j’ambitionne, et dont vous m’avez flatté, me donnent de justes espérances. Ce sera pour moi la plus chère des consolations de pouvoir me livrer sans réserve à tous les sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être, monsieur, etc.
- ↑ Le Nieps : voyez lettre 6606.
- ↑ Voyez une note sur la lettre 6632.
- ↑ Voyez le cinquième livre de l’Èmile de J. ‑J. Rousseau.