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CORRESPONDANCE

J’ai fait consulter à Paris des avocats sur tous les objets qui nous divisent : ils ont tous été d’avis que je prisse des lettres de rescision contre vous, et ils les ont fait dresser.

Je n’ai pas voulu cependant prendre cette voie. J’aime mieux faire sur vous un dernier effort. Voici le fait tel qu’il est prouvé par les pièces authentiques.

Vous venez en 1758 me vendre à vie votre terre de Tournay que vous me donnez pour une comté[1]. Vous exprimez dans le contrat qu’elle est estimée de 3,500 livres de rente[2]. Vous exprimez dans le Mémoire de votre main[3], que le bois attenant est de cent poses. Vous exigez par le contrat que je fasse pour 12,000 livres de réparations. Vous stipulez qu’à ma mort tous les effets et meubles sans aucune exception, qui se trouveront dans le château, vous appartiendront en pleine propriété. J’omets d’autres clauses sur lesquelles je m’en rapportai à votre équité et à votre honneur, ne connaissant point du tout la terre.

À l’égard des réparations, j’en fais d’abord pour 18,000 livres, dont j’ai les quittances libellées. Je vous en informe. Pour réponse, vous me menacez d’un procès au sujet de quelques sapins coupés pour ces réparations selon le droit que j’en ai.

  1. Pièce cotée A : Lettres patentes du roi sur l’ancien dénombrement. (Note de Voltaire.) — J’ai sous les yeux une expédition du brevet du roi du 12 février 1755 où le président de Brosses et son frère sont qualifiés tous deux propriétaires par indivis de la terre le comté de tourney (sic). (Th. F.)
  2. Pièce cotée B. (Note de Voltaire.) — Dès sa première lettre, M. de Brosses avait fait connaître à Voltaire, sans exagération aucune, le prix annuel du bail de Chouet. (Th. F.)
  3. Pièce cotée C. (Note de Voltaire.) — C’est le 20 octobre 1761, dans la fièvre de l’emportement que lui avait causé le procès Baudy, que Voltaire parle pour la première fois d’un Mémoire de M. de Brosses où serait consignée cette exagération de contenance. Aussi le poëte va-t-il jusqu’à dire que la contenance énoncée dans les Mémoires de M. de Brosses est de cent arpents, au lieu qu’ici il se restreint à affirmer que le Mémoire la porte à cent poses, c’est-à-dire à cinquante arpents seulement. Ce qui est positif, c’est qu’en juillet 1760 le président écrivait à Voltaire qu’il lui avait vendu Tournay sans garantie de contenance, ce qui est conforme à l’acte de 1758 ; qu’au surplus, il n’avait jamais ouï dire que le bois eût plus de quatre-vingt-dix poses, ce qui fait vingt-quatre hectares ; et que Voltaire, dans sa réponse du 12 juillet, convient que ce bois est de quarante-trois arpent et demi (un peu plus de vingt-trois hectares), et ne parle nullement d’un Mémoire indiquant, une contenance de cent poses, ce qui équivaudrait à vingt-sept hectares. C’était pourtant le cas d’en parler assurément.

    Ce qui est certain encore, c’est que le Mémoire qu’allègue ici Voltaire n’était annexé, ni en original, ni en copie, à la lettre que nous donnons ici. Bien plus, la transaction de 1781, qui énumère les moyens de défense de Mme Denis contre la famille de Brosses, ne fait nulle mention de cette prétendue indication d’une contenance de cent poses. (Th. F.)