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CORRESPONDANCE

Je n’ai point vu le chef-d’œuvre d’éloquence de l’évêque du Puy[1] ; je sais seulement que les bâillements se faisaient entendre à une lieue à la ronde.

Dites-moi pourquoi, depuis Bossuet et Fléchier, nous n’avons point eu de bonne oraison funèbre ? est-ce la faute des morts ou des vivants ? les pièces qui pèchent par le sujet et par le style sont d’ordinaire sifflées.

Auriez-vous lu un Examen de l’Histoire d’Henri IV[2], écrite par un Bury ? Cet Examen fait une grande fortune, parce qu’il est extrêmement audacieux, et que, si le temps passé y est un peu loué, ce n’est qu’aux dépens du temps présent. Mais il y a une petite remarque à faire, c’est qu’il y a beaucoup plus d’erreurs dans cet Examen que dans l’Histoire d’Henri IV. Il y a deux hommes bien maltraités dans cet Examen : l’un est le président Hénault en le nommant, et l’autre que je n’ose nommer[3]. Le peu de personnes qui ont fait venir cet Examen à Paris en paraissent enthousiasmées ; mais, si elles savaient avec quelle impudence l’auteur a menti, elles rabattraient de leurs louanges.

Adieu, mon cher ange ; adieu, la consolation de ma très-languissante vieillesse.

7340. — À M. LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[4].
À Ferney, 24 septembre 1768.

J’ai suivi votre conseil, mon très-cher président, j’ai écrit à M. Le Gouz[5] ; je l’ai supplié de porter M. de Brosses à un accommodement honorable, digne de sa place et digne de l’Académie dont il est membre. Je vous supplie donc d’envoyer à M. Le Gouz la copie de ma lettre écrite au président de Brosses[6], afin qu’il soit au fait. Vous et M. Le Gouz, vous frémiriez d’horreur si je vous informais du procédé que M. de Brosses a eu en dernier lieu. Promettez-moi le secret, et je vous dirai de quoi il s’agit.

Je n’ai d’autre intention que de tout souffrir pour tout pacifier. J’aime mieux être opprimé qu’oppresseur. Je sais perdre avec ceux qui veulent absolument gagner, et je ne prétends que pré-

  1. L’oraison funèbre de la reine, par J.-G. Lefranc de Pompignan.
  2. Dont, il est parlé dans les lettres 7286 et 7331.
  3. Louis XV, désigné sous le nom de petit-fils de Shah-Abbas ; voyez ci-dessus, page 115.
  4. Editeur. Th. Foisset.
  5. Cette lettre est perdue.
  6. Celle du 19 août 1768.