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ANNÉE 1768.
7339. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
18 septembre.

Il y a un Tronchin[1], mon cher ange, qui, lassé des tracasseries de son pays, va voyager à Paris et à Londres, et qui n’est pas indigne de vous. Il a souhaité passionnément de vous être présenté, et je vous le présente. Il doit vous remettre deux paquets qu’on lui a donnés pour vous. Je crois qu’ils sont destinés à cette pauvre sœur d’un brave marin[2] tué en Irlande, laquelle fit, comme vous savez, un petit voyage sur terre[3], presque aussi funeste que celui de son frère sur mer. Apparemment qu’on a voulu la dédommager un peu de ses pertes, et qu’on a cru qu’avec votre protection elle pourrait continuer plus heureusement son petit commerce. Je crois qu’il y a un de ces paquets venu d’Italie, car l’adresse est en italien ; l’autre est avec une surenveloppe à M. le duc de Praslin.

Pour le paquet du petit Desmahis, je le crois venu à bon port ; il fut adressé, il y a quinze jours, à l’abbé Arnaud, et je vous en donnai avis par une lettre particulière[4].

Je crois notre pauvre père Thoulier[5], dit l’abbé d’Olivet, mort actuellement, car, par mes dernières lettres, il était à l’agonie. Je crois qu’il avait quatre-vingt-quatre ans. Tâchez d’aller par-delà, vous et Mme d’Argental, quoique, après tout, la vieillesse ne soit pas une chose aussi plaisante que le dit Cicéron.

Vous devez actuellement avoir Lekain à vos ordres. C’est à vous à voir si vous lui donnerez le commandement du fort d’Apamée[6], et si vous croyez qu’on puisse tenir bon dans cette citadelle contre les sifflets. Je me flatte, après tout, que les plus dangereux ennemis d’Apamée seraient ceux qui vous ont pris, il y a cent ans, Castro et Ronciglione[7] ; mais, supposé qu’ils dressassent quelque batterie, n’auriez-vous pas des alliés qui combattraient pour vous ? Je m’en flatte beaucoup, mais je ne suis nullement au fait de la politique présente ; je m’en remets entièrement à votre sagesse et à votre bonne volonté.

  1. Jacob Tronchin ; voyez lettres 7335 et 7363.
  2. M. Thurot. (K.)
  3. Voyez la lettre 6634.
  4. La lettre 7335.
  5. L’abbé d’Olivet n’est mort que le 8 octobre 1768.
  6. Lieu de la scène des Guèbres ; voyez tome VI, page 504.
  7. Voyez tome XXVII, page 204.