Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
CORRESPONDANCE

États. Il n’y a presque aucun prince qui ne soit convaincu de cette vérité, il y en a quelques-uns qui vont bien plus loin. Tout cela n’empêche pas qu’on ne doive être sage ; il ne faut triompher que quand la victoire sera complète. Les chiens qui jappent encore pourraient mordre. J’aurais plus d’une chose à vous dire si j’avais le bonheur de vous voir dans mon heureuse retraite avec celle que j’en ai faite la souveraine. Faites comme vous voudrez ; mais je ne veux point mourir sans vous avoir embrassé. En attendant, je vous prie, mon cher ami, de contribuer à me faire vivre, en voulant bien recommander à M. Roset de me payer le quartier qu’il me doit ; j’ai trente personnes à nourrir, et trente mille francs à donner par an à ma famille : vous concevez bien qu’il faut que M. Roset m’aide.

Je vous embrasse le plus tendrement du monde. V.

7358. — À M. LE MARQUIS DE BELESTAT,
de l’académie de toulouse[1].
Du château de Ferney, le 15 octobre.

Monsieur, il y a longtemps que je vous dois des remerciements de vos bontés et de l’Éloge de Clémence Isaure ; mais ma vieillesse est si infirme, et j’ai été pendant deux mois si cruellement malade, que je n’ai pu remplir aucun de mes devoirs. Un des plus chers et des plus pressés était de vous témoigner l’estime que vous m’avez inspirée. L’Académie devrait mettre votre éloge à la fin de celui que vous avez publié de sa fondatrice. Votre style et votre façon de penser sur la littérature m’ont également charmé. Si je me comptais encore au nombre des vivants, je désirerais passionnément vivre l’ami d’un homme de votre mérite[2].

Vous n’ignorez pas sans doute, monsieur, qu’on vend publiquement, sous votre nom, à Genève et dans tous les pays voisins, un Examen de l’Histoire d’Henri IV[3], du sieur Bury. L’examen est assurément beaucoup plus lu que l’histoire. Oserais-je vous de-

  1. Le marquis de Gardouch-Belestat, né en 1725, avait connu Voltaire aux eaux de Plombières en 1745. Il était entièrement aveugle et presque entièrement sourd avant la Révolution ; ce qui n’empêcha pas de le traîner en prison pendant la Terreur. Il n’est mort qu’en 1807.
  2. Ce premier paragraphe a été publié pour la première fois par MM. de Cayrol et François
  3. Dont il est parlé dans les lettre 7286, 7331, 7339.