cile à digérer par beaucoup de petits estomacs de Paris. Et sérieusement, je serais au désespoir qu’on me soupçonnât d’avoir été le traducteur de ce livre hardi dans mon jeune âge, car, en 1762, je n’avais que soixante-neuf ans. Vous n’aurez jamais cette infamie, qu’à condition que vous rendrez partout justice à mon innocence, qui sera furieusement attaquée par les méchants jusqu’à mon dernier jour.
Au reste, il y a depuis longtemps un déluge de pareils livres. La Thèologie portative[1], pleine d’excellentes plaisanteries, et d’assez mauvaises ; l’Imposture sacerdotale[2], traduite de Gordon ; la Riforma d’Italia[3], ouvrage trop déclamatoire, qui n’est pas encore traduit, mais qui sonne le tocsin contre tous les moines ; les Droits des hommes et les Usurpations des papes[4], le Christianisme dévoile[5], par feu Damilaville ; le Militaire philosophe[6], de Saint-Hyacinthe, livres tous pleins de raisonnements, et capables d’ennuyer une tête qui ne voudrait que s’amuser. Enfin il y a cent mains invisibles qui lancent des flèches contre la superstition.
Je souhaite passionnément que leurs traits ne se méprennent point, et ne détruisent pas la religion, que je respecte infiniment et que je pratique.
Un de mes articles de foi, madame, est de croire que vous avez un esprit supérieur. Ma charité consiste à vous aimer, quand même vous ne m’aimeriez plus ; mais malheureusement je n’ai pas l’espérance de vous revoir.
L’affligé solitaire des Alpes a reçu la lettre consolante du prophète[7] de Bohême. Ils pleurent ensemble, quoique à cent lieues l’un de l’autre ; le défenseur intrépide de la raison et le vertueux ennemi du fanatisme, Damilaville, est mort, et Fréron est gros et gras ; mais que voulez-vous, Thersite a survécu à