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CORRESPONDANCE.

précepteur, s’y prit pour vendre le duc et pair nègre, les écuyers et les gentilshommes de la chambre du dauphin, et pour changer Son Altesse royale en garçon de cuisine.

L’île de Timor a toujours passé pour un pays assez pauvre, dont toute la richesse consiste en bois de sandal. Franchement, monsieur, l’histoire de ce prince n’est pas de la plus grande vraisemblance : tout ce qu’on vous accordera, c’est que le Père Ignace est un fripon ; mais il est bien étonnant qu’un dominicain s’appelle Ignace ; vous savez que les jésuites et les jacobins se sont toujours détestés, eux et leurs saints.

Quoi qu’il en soit, monsieur, si le conseil n’a point eu d’égard à votre requête, il a sans doute rendu justice à votre manière d’écrire : il n’a pu vous refuser son estime, et je pense comme tout le conseil.

J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre, etc.

7433. — À M. SAURIN.
28 décembre.

Premièrement, mon cher confrère, je vous ai envoyé un Siècle[1], et je suis étonné et confondu que vous ne l’ayez pas reçu.

En second lieu, vos vers sont très jolis[2].

  1. L’édition de 1768 du Siècle de Louis XIV'.
  2. Saurin avait adressé à Voltaire des vers qui sont effectivement fort jolis, et dont il est parlé dans les Mémoires secrets de Bachaumont, à la date du 16 janvier 1769*. Le rédacteur des Annonces, affiches et avis divers de la Haute et Basse-Normandie les inséra dans le numéro du vendredi 3 février 1769 de son journal, avec cet intitulé : Sorin (sic) à M. de Voltaire, en réponse à l’A, B, C, pièce où il traite purement et simplement Montesquieu de bel esprit, et où il dénigre Fénelon. Un arrêt du parlement de Rouen, en date du 20 février 1769, ordonne que ce numéro des Annonces sera lacéré et brûlé, comme blasphématoire et impie*. Les vers de Saurin n’ayant pu, en conséquence de cet arrêt, entrer dans la collection de ses Œuvres, sont en quelque sorte inédits : je pense que le lecteur les verra ici avec plaisir.

    *. Voyez aussi Grimm, édition Tourneux, tome VIII, page 267.


    Esprit vaste et sublime, et le plus grand peut-être
    Qu’aucun pays jamais, qu’aucun siècle ait vu naître ;
    Voltaire, des humains le digne précepteur,
    Poursuis, en instruisant amuse ton lecteur ;
    Et, joignant à propos la force au ridicule,
    Et, joignDans tes écrits, nouvel Hercule,
    Et, joignAbats l’hydre des préjugés
    De cette nuit profonde où des fourbes célèbres
    Et, joignAu nom du ciel nous ont plongés,
    Et, joignOse dissiper les ténèbres :