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ANNÉE 1768.

tations à votre prudence. Monsieur votre frère prétend qu’il doit lui revenir quarante-deux mille livres de rente, et qu’il n’en a que six ; je crois, en rassemblant tout ce qu’il m’a dit, qu’il se trompe beaucoup. Il vous serait aisé de m’envoyer un simple relevé de ce qu’il peut prétendre : cela fixerait ses idées, et fermerait la bouche à ceux qui lui donnent des conseils dangereux.

Il me paraît convenable que ses plaintes ne se fassent point entendre dans les pays étrangers.

Au reste, madame, je vous supplie d’observer que je n’ai jamais rien fait dans cette malheureuse affaire que ce que vous m’avez expressément ordonné. Soyez très-persuadée que je ne manquerai jamais à votre confiance, que j’en sens tout le prix, et que je vous suis entièrement dévoué.

7442. — À M. L’ABBÉ AUDRA[1].
À Ferney, le 3 janvier.

Il s’agit, monsieur, défaire une bonne œuvre ; je m’adresse donc à vous. Vous m’avez mandé que le parlement de Toulouse commence à ouvrir les yeux, que la plus grande partie de ce corps se repent de l’absurde barbarie exercée contre les Calas. Il peut réparer cette barbarie, et montrer sa foi par ses œuvres[2].

Les Sirven sont à peu près dans le cas des Calas. Le père et la mère Sirven furent condamnés à la mort par le juge de Mazamet, dans le temps qu’on dressait à Toulouse la roue sur laquelle le vertueux Calas expira. Cette famille infortunée est encore dans mon canton ; elle a voulu se pourvoir au conseil privé du roi ; elle a été plainte et déboutée. La loi qui ordonne de purger son décret, et qui renvoie le jugement au parlement, est trop précise pour qu’on puisse l’enfreindre. La mère est morte de douleur, le père reste avec ses filles, condamnées comme lui. Il a toujours craint de comparaître devant le parlement de Toulouse, et de mourir sur le même échafaud que Calas ; il a même manifesté cette crainte aux yeux du conseil.

Il s’agit maintenant de voir s’il pourrait se présenter à Toulouse avec sûreté. Il est bien clair qu’il n’a pas plus noyé sa fille que Calas n’avait pendu son fils. Les gens sensés du parlement de Toulouse seront-ils assez hardis pour prendre le parti de la raison et de l’innocence contre le fanatisme le plus abominable et

  1. Voyez une note sur la lettre 7457.
  2. Épître de saint Jacques, ii, 18.