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CORRESPONDANCE.

le plus fou ? se trouvera-t-il quelque magistrat qui veuille se charger de protéger le malheureux Sirven, et acquérir par là de la véritable gloire ? En ce cas, je déterminerai Sirven à venir purger son décret, et à voir, sans mourir de peur, la place où Calas est mort.

La sentence rendue contre lui par contumace lui a ôté son bien, dont on s’est emparé. Cette malheureuse famille vous devra sa fortune, son honneur, et la vie ; et le parlement de Toulouse vous devra la réhabilitation de son honneur, flétri dans l’Europe.

Vous devez avoir vu, monsieur, le factum des dix-sept avocats du parlement de Paris en faveur des Sirven. Il est très-bien fait ; mais Sirven vous devra beaucoup plus qu’aux dix-sept avocats, et vous ferez une action digne de la philosophie et de vous.

Pouvez-vous me nommer un conseiller à qui j’adresserai Sirven ?

Permettez-moi de vous embrasser avec la tendresse d’un frère.

7443. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[1].
4 janvier 1769.

Eh bien ! madame, j’écris très-souvent quand j’ai des thèmes. Faites-vous lire la lettre de M. le marquis de Belestat, et jugez après cela si c’est avec justice qu’on m’a imputé son ouvrage. Jugez si j’ai été fidèle à l’amitié, si j’ai été offensé du mal qu’on disait de M. le président Hénault, et si je n’ai pas pris son parti beaucoup plus que je n’ai jamais pris le mien. Voilà la vérité enfin reconnue, et il faut que le président en soit instruit : j’ai cru sentir dans ses lettres qu’il me soupçonnait, je n’en ai eu que plus de zèle. Oui, madame, je suis vif, et je le serai jusqu’au dernier moment de ma vie, quand je croirai servir l’amitié et la raison.

La Bletterie est encore plus coupable que le marquis de Bélestat ; puisqu’il veut être de l’Académie, il ne devait pas outrager un homme de quatre-vingt-deux ans qui fait tant d’honneur à notre corps. Rougissez d’avoir pris le parti de ce pédant orgueilleux. Que votre petite mère ou grand’mère se repente de l’avoir protégé ! Voilà comme sont faits tous ces animaux-là. Ils croient

  1. Correspondance complète de Mme du Déffant avec la duchesse de Choiseul, l’abbé Barthélémy, et M. Craufurt, publiée par M. le marquis de Sainte-Aulaire, 1859 et 1877.