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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/380

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CORRESPONDANCE.

Il est bon, mon cher ange, que l’on fasse imprimer, sans délai, jour et nuit, sans perdre un moment, ces Guèbres, sur lesquels je pense précisément comme vous. On me les a dédiés dans le pays étranger, et on me loue, dans l’épître, d’aimer passionnément la tolérance, et de respecter beaucoup la religion ; cela fait toujours plaisir.

On a fait deux nouvelles éditions du Siècle de Louis XIV et de Louis XV. On m’a envoyé d’Angleterre une belle médaille d’or de l’amiral Anson, en signe de reconnaissance du bien que j’ai dit de ce grand homme[1], avec la vérité dont je suis assez partisan.

On dit que nous allons voir une petite histoire de la guerre de Corse[2]. Je suis bien fâché que M. de Chauvelin n’ait pas été à la place de M. de Vaux. Vous ne saurez croire quelle considération le ministère de France a chez l’étranger, ou plutôt vous le savez mieux que moi. Faire un pape, gouverner Rome, prendre un royaume en vingt jours, ce ne sont pas là des bagatelles.

Tout languissant et tout mourant que je suis, je pourrais bien ajouter un chapitre[3] au Siècle de Louis XV.

Je prends la plume, mon cher ange, pour vous dire que j’ai su que vous cherchiez quelque argent. Je n’ai actuellement que dix mille francs dont je puisse disposer à Paris : les voilà. Agréez le denier de la veuve. Je suis très-affligé du dérangement de la santé de Mme d’Argental. Dites-moi de ses nouvelles, je vous en conjure.

N’admirez-vous pas comme j’écris lisiblement quand j’ai une bonne plume ?

À l’ombre de vos ailes, mes anges.

7586. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
7 juillet.

Eh bien ! mon cher ange, il faut vous dire le fait. Vous saviez déjà que j’ai affaire à un fanatique qui a été vicaire de paroisse à Paris, et qui a donné à plein collier dans les billets de confession. C’est un des méchants hommes qui respirent. Il a ôté les pouvoirs a mon aumônier, et il me ménageait une excommuni-

  1. Voyez tome XV page 312.
  2. Je pense que Voltaire veut parler de l’ouvrage de Boswell, dont il parut deux traductions en 1769 : l’une intitulée Relation de l’île de Corse, un volume in-8° ; l’autre, État de la Corse, deux volumes in-12. (B.)
  3. Le chapitre xl (De la Corse) parut, pour la première fois, en 1769, dans l’édition in-4° du Précis du Siècle de Louis XV ; voyez tome XV, page 406.