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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/385

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ANNÉE 1769.

quelque excuse. Vous devez être excédé de lettres et de demandes. C’est toujours au doyen de notre Académie que j’écris, et non au gouverneur, au premier gentilhomme de la chambre.

Vous souviendrez-vous des Mémoires de Maintenon faits par La Beaumelle, et de quelques autres brochures dans ce goût qui calomnient les plus grandes maisons du royaume, à commencer par la famille royale ? Vous daignâtes me marquer ce que vous en pensiez. Il paraît dans les pays étrangers un livre assez curieux écrit dans ce style, c’est l’Histoire du Parlement. Je n’ai rien à dire contre le premier volume ; il fait voir que le parlement tire toute sa dignité des pairs. J’ai toujours été de cet avis. Il y a d’ailleurs, dans ce premier tome, des anecdotes dont je ne puis juger : il faudrait avoir consulté le greffe. Je doute que La Beaumelle ait été à portée de fouiller dans ces archives, et c’est ce qui me fait suspendre toute idée sur le nom de l’auteur.

Pour le second tome, j’en trouve la fin non-seulement fausse, mais excessivement indécente, et je l’ai dit hautement. L’auteur, quel qu’il soit, s’efforce de faire passer son ouvrage sous mon nom : je suis accoutumé à ces impostures ; mais celle-ci m’afflige. Je suis d’un corps dont vous êtes le principal membre, et dont le roi est protecteur. À la bonne heure qu’on impute à ma vieillesse de plats vers et de la prose languissante ; mais certainement il y a, dans ce second tome, des expressions impertinentes qui devraient déplaire au roi, s’il n’était pas trop grand pour être seulement instruit de ces sottises. Dans l’indignation où je suis qu’on m’impute un pareil ouvrage, je ne puis que déclarer que l’auteur est très-malavisé, qu’il est un impudent, et que je réprouve son livre, qui est plein d’erreurs.

Qu’il me soit encore permis de dire à mon doyen (dont je suis le doyen par l’âge) qu’on achève actuellement deux nouvelles éditions du Siècle de Louis XIV et de Louis VI : ce sont des monuments de votre gloire. Ils vaudraient mieux si j’avais pu recevoir vos instructions ; mais tels qu’ils sont, puis-je les présenter au roi ? Daignerez-vous me dire si je dois prendre cette liberté ? M. de Saint-Florentin le croit ; mais je ne veux rien faire sans vous consulter. Donnez-moi cette marque de vos anciennes bontés.

Je suis honteux de vous ennuyer d’une si longue lettre ; mais mon héros a toujours été indulgent pour moi. Je me flatte qu’il le sera encore, en daignant m’apprendre par un mot ce que je dois faire. J’attends cette grâce de lui, et je lui renouvelle mon très-vieux et très-tendre respect.