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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/386

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CORRESPONDANCE.
7590. — À M. THIERIOT.
Le 12 juillet.

Mon petit magistrat m’a enfin envoyé son œuvre dramatique ; je vous la dépêche, mon ancien ami. C’est actuellement la mode de faire imprimer les pièces de théâtre sans les donner aux comédiens ; mais de tous ces drames il n’y a que l’Écossaise qu’on ait jouée.

Pourriez-vous, mon cher ami, me faire avoir les Mélanges historiques relatifs à l’Histoire de France, ouvrage qui a brouillé le parlement avec la chambre des comptes[1] ?

La liste des livres nouveaux devient immense ; celle des livres qu’on m’attribue n’est pas petite. Il y a une Histoire du Parlement[2] qui fait beaucoup de bruit ; je viens de la lire. Il y a quelques anecdotes assez curieuses qui ne peuvent être tirées que du greffe du parlement même : il n’y a certainement qu’un homme du métier qui puisse être auteur de cet ouvrage. Il faut être enragé pour le mettre sur mon compte. Il est bien sûr que, depuis vingt ans que je suis absent de Paris, je n’ai pas fouillé dans les registres de la cour.

Scribendi non est finis[3]. La multitude des livres effraye ; mais, après tout, on en use avec eux comme avec les hommes, on choisit dans la foule.

J’ai reçu la Piété filiale ; l’auteur[4] me l’a envoyée, je vais la lire : c’est encore une de ces pièces qu’on ne jouera pas, si j’en crois la préface que j’ai parcourue. Il en pourra bien arriver autant à notre petit magistrat de province ; j’apprends d’ailleurs qu’on ne joue plus à Paris que des opéras-comiques.

Je suis si malade qu’il ne me vient pas même dans la tête de regretter les plaisirs de votre ville. Quand on souffre, on ne regrette que la santé, et quelques amis qui pourraient apporter un peu de consolation. Je vous mets au premier rang, et je vous embrasse de tout mon cœur.

  1. Les Mélanges historiques et critiques, contenant diverses pièces relatives à l’Histoire de France (par Damiens de Gomicourt), 1768, deux vol.  in-12, avaient été supprimés par un arrêt de la cour des comptes, du 23 décembre 1768. Le parlement prononça aussi leur suppression le 3 février 1769, en déclarant que la cour des comptes n’avait pas pouvoir et juridiction pour l’arrêt qu’elle avait rendu.
  2. Faisant partie des tomes XV et XVI de la présente édition.
  3. l’Ecclésiaste, xii, 12, dit : « Faciendi plures libros nullus est finis. »
  4. Courtial. — Son drame est en cinq actes et en prose.