Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
ANNÉE 1768.

Mais surtout, si vous allez à votre régiment, passez par chez nous ; n’y manquez pas, je vous en prie : ce pèlerinage est nécessaire ; j’ai beaucoup de choses à vous dire pour votre édification.

Le marquis de Mora, fils du comte de Fuentès, ambassadeur d’Espagne à Paris, gendre de ce célèbre M. le comte d’Aranda qui a chassé les jésuites d’Espagne, et qui chassera bien d’autres vermines, est venu passer trois jours avec moi ; il s’en retourne en Espagne, et ira peut-être auparavant à Montpellier : c’est un jeune homme d’un mérite bien rare. Vous le verrez probablement à son passage, et vous serez étonné. L’Inquisition d’Espagne n’est pas abolie ; mais on a arraché les dents à ce monstre, et on lui a coupé les griffes jusque dans la racine. Tous les livres si sévèrement défendus à Paris entrent librement en Espagne. Les Espagnols, en moins de deux ans, ont réparé cinq siècles de la plus infâme bigoterie.

Rendez grâce à Dieu, vous et vos amis, et aimez-moi.

7255. — DE M. L’ÉVÈQUE D’ANNECY[1].
Annecy, 2 mai.

Monsieur, vous attribuez donc à l’aigreur ce qui n’est, au vrai, de ma part, que l’effet du zèle dont je dois être animé pour tout ce qui intéresse le salut des âmes et l’honneur de la religion dans mon diocèse. Cette considération m’aurait interdit toute ultérieure réplique, si je n’avais cru devoir encore celle-ci à la justification des personnes que vous taxez de vous avoir calomnié auprès de moi. M. Ancian, M. le doyen de Gex, M. l’aumônier de la résidence, ne m’ont pas plus parlé de vous que de tous les autres ; et lorsque l’occasion s’en est présentée, ils m’en ont dit bien moins que ce que j’en avais appris par la voix du public. Ce n’est point à leurs rapports que vous devez attribuer le fondement des justes représentations que j’ai été dans le cas de vous faire en qualité d’évêque et de pasteur.

Vous connaissez les ouvrages qu’on vous attribue, vous savez ce que l’on pense de vous dans toutes les parties de L’Europe ; vous n’ignorez pas que presque tous les incrédules de notre siècle se glorifient de vous avoir pour leur chef, et d’avoir puisé dans vos écrits les principes de leur irréligion : c’est donc au monde entier et à vous-même, et non pas à quelques particuliers, que vous devez vous en prendre de ce que l’on vous impute. Si ce sont des calomnies, ainsi que vous le prétendez, il faut vous en justifier, et détromper ce même public qui en est imbu. Il n’est pas difficile à qui est véritablement chrétien d’esprit et de cœur de faire connaître qu’il l’est ; il ne se croit pas permis d’en démentir la qualité dans les amuse-

  1. Voyez lettre 7234.