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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/59

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ANNÉE 1768.

aime passionnément. On n’en sert plus d’autre aujourd’hui chez les princes du Nord, et la contrebande en est même prodigieuse en Italie.

Nous sommes très-certains, monsieur, que les fermiers généraux ne vous sauront point mauvais gré d’en avoir mangé un peu à votre déjeuner avec du beurre de Jéricho. Nous nous flattons que les partisans du gros sel ont beau faire, ils ne pourront nous nuire. Ils crient comme des diables : « Si notre sel s’évanouit[1], avec quoi salera-t-on ? » mais en secret ils se servent eux-mêmes de notre sel, et n’en disent mot. Vous ne sauriez croire, monsieur, combien nous nous intéressons à votre tranquillité et à votre bonheur, indépendamment de toutes les salines et de toutes les salaisons de ce monde. Vous nous ferez un très-sensible plaisir de nous informer du succès qu’aura eu votre réponse à messieurs des fermes générales. Toute la famille vous fait les plus tendres compliments ; personne, monsieur, ne vous est plus véritablement attaché que votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Franc-Salé.
7267. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, ce 26 mai.

J’ai reçu, mon cher et illustre maître, le poëme[2] et la relation[3] que M. de La Borde m’a envoyés de la part du jeune Franc-Comtois, qui me paraît avoir son franc parler sur les sottises de la taupinière de Calvin et les atrocités du tigre aux yeux de veau[4]. Ce Franc-Comtois peut, en toute sûreté, tomber sur le janséniste apostat sans avoir à redouter les protecteurs dont il se vante, et qui sont un peu honteux d’avoir si mal choisi. On donne l’aumône à un gueux, et on trouve très-bon qu’un autre lui donne les étrivières quand il est insolent. M. le comte de Rochefort n’est point à Paris ; il est actuellement dans les terres de madame sa mère, avec sa femme ; je crois qu’ils ne tarderont pas à revenir. Votre ancien disciple vient encore de m’écrire une assez bonne lettre[5] sur l’excommunication du duc de Parme. Il me mande que si l’excommunication s’étend jusqu’ici, les philosophes en profiteront ; que je deviendrai premier aumônier ; que Diderot confessera le duc de Choiseul ; et Marmontel, le dauphin ; que j’aurai la

  1. Matthieu, v, 13.
  2. La Guerre civile de Genève, tome IX.
  3. La nouvelle édition de la Relation de la mort du chevalier de la Barre, tome XXV, page 501.
  4. Pasquier ; voyez tome XXIX, page 155 ; et XXXVII, page 284.
  5. La lettre de Frédéric à d’Alembert, du 7 mai 1768.