aime passionnément. On n’en sert plus d’autre aujourd’hui chez les princes du Nord, et la contrebande en est même prodigieuse en Italie.
Nous sommes très-certains, monsieur, que les fermiers généraux ne vous sauront point mauvais gré d’en avoir mangé un peu à votre déjeuner avec du beurre de Jéricho. Nous nous flattons que les partisans du gros sel ont beau faire, ils ne pourront nous nuire. Ils crient comme des diables : « Si notre sel s’évanouit[1], avec quoi salera-t-on ? » mais en secret ils se servent eux-mêmes de notre sel, et n’en disent mot. Vous ne sauriez croire, monsieur, combien nous nous intéressons à votre tranquillité et à votre bonheur, indépendamment de toutes les salines et de toutes les salaisons de ce monde. Vous nous ferez un très-sensible plaisir de nous informer du succès qu’aura eu votre réponse à messieurs des fermes générales. Toute la famille vous fait les plus tendres compliments ; personne, monsieur, ne vous est plus véritablement attaché que votre très-humble et très-obéissant serviteur.
J’ai reçu, mon cher et illustre maître, le poëme[2] et la relation[3] que M. de La Borde m’a envoyés de la part du jeune Franc-Comtois, qui me paraît avoir son franc parler sur les sottises de la taupinière de Calvin et les atrocités du tigre aux yeux de veau[4]. Ce Franc-Comtois peut, en toute sûreté, tomber sur le janséniste apostat sans avoir à redouter les protecteurs dont il se vante, et qui sont un peu honteux d’avoir si mal choisi. On donne l’aumône à un gueux, et on trouve très-bon qu’un autre lui donne les étrivières quand il est insolent. M. le comte de Rochefort n’est point à Paris ; il est actuellement dans les terres de madame sa mère, avec sa femme ; je crois qu’ils ne tarderont pas à revenir. Votre ancien disciple vient encore de m’écrire une assez bonne lettre[5] sur l’excommunication du duc de Parme. Il me mande que si l’excommunication s’étend jusqu’ici, les philosophes en profiteront ; que je deviendrai premier aumônier ; que Diderot confessera le duc de Choiseul ; et Marmontel, le dauphin ; que j’aurai la