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CORRESPONDANCE

en feuilletant le Tacite de La Bletterie ? Il était en colère de ne pouvoir lire le latin, qui est imprimé en pieds de mouche, et de ne lire que trop bien la traduction française. Voici les vers qu’il fit sur-le-champ :

Un pédant dont je tais le nom[1],
En inlisible caractère
Imprime un auteur qu’on révère,
Tandis que sa traduction
Aux yeux, du moins, a de quoi plaire.
Le public est d’opinion
Le pQu’il eût dû faire
Le pTout le contraire.

Cela m’a paru naïf. Cet hypocrite insolent de La Bletterie est berné en province comme à Paris.

Que le bon Dieu bénisse ainsi tous les apostats qui sont trop orgueilleux ! Car cela n’est pas bien d’être fier.

7295. — À M. ÉLIE DE BEAUMONT[2].
À Ferney, 3 juillet.

Je ne vous ai pas encore remercié, mon cher Cicéron ; ce n’est pas que mon cœur ne soit pénétré de vos bontés ; mais c’est que j’ai été bien malade.

Vous avez donc deviné A… et B…[3] Personne assurément ne sait mieux son alphabet que vous. Il est très-clair que B… sera déshonoré dans sa compagnie, dans sa province, et auprès du conseil du roi. Il y aurait assurément un factum très-plaisant à faire contre M. le président. On pourrait le couvrir à la fois d’opprobre et de ridicule. Mais je tenterai auparavant toutes les voies de la conciliation. Je ne suis à craindre que quand je suis poussé à bout. J’ai actuellement des choses un peu plus pressées.

Quoi ! vous trouvez que c’est un mal d’exister, quand vous existez avec Mme de Beaumont ! Il faut donc que vous ayez eu quelque nouveau chagrin que vous ne me dites pas. Mais une telle union doit changer tous les chagrins en plaisirs ; et que

  1. Voyez aussi lettres 7249 et 7314.
  2. Editeurs, de Cayrol et François.
  3. Voyez la lettre à Beaumont du 26 mai.