Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puisse produire M. Billard et l’abbé Grizel sous le nom de M. Garant. Je crois qu’on mettra partout Philosophie à la place de Théologie, pour ne point effaroucher les âmes timorées. M. d’Argental et M. Marin se chargent de vos intérêts : car, si on s’en remettait à vous, nous n’en saurions des nouvelles que dans trois ans. Vous saurez que, dans trois ans, j’en aurai au moins quatre-vingts, s’il plaît à Dieu.

Je suppose que vous recevrez ma lettre en quelque endroit du monde que vous soyez gîté ; je vous adresse celle que je dois à M. de Sales. Quelque louange que je lui donne, je ne lui ferai pas la moitié du plaisir qu’il m’a fait.

Faites bien mes compliments, je vous prie, à M. de Montmercy[1]. Portez-vous bien, vivez longtemps, et aimez-moi.

7910. — DE CATHERINE II[2],
impératrice de russie.
Czarskoe-Selo, le 26 mai-6 juin.

Monsieur, je me hâte de répondre à votre lettre du 18 mai, que j’ai reçue hier au soir, parce que je vous vois en peine. Les vicissitudes que les adhérents de Moustapha répandent que mon armée doit avoir essuyées, la perte de la Valachie, sont des contes dont je n’ai senti d’autre chagrin que celui de vous voir appréhender que cela ne soit vrai. Dieu merci, rien de tout cela n’a existé. Il y a huit jours que j’ai reçu encore la nouvelle qu’un petit corps turc avait passé sur des radeaux le Danube, près d’Isaksi, pour reconnaître nos postes ; mais il a été si bien accommodé qu’il s’en est retourné avec plus de diligence qu’il n’était venu, et les nôtres ont tiré d’un ruisseau que les Turcs avaient voulu passer à la nage. Plus de trois cents corps sont noyés, sans compter les tués et les blessés. Je vous ai mandé, la poste passée, les nouvelles que j’ai reçues de la Morée, qui, pour premier début, paraissent assez satisfaisantes.

J’espère que par votre intercession la sainte Vierge n’abandonnera pas les fidèles.

Ces pauvres diables de partisans de Moustapha n’ont d’autres ressources pour faire aller leurs brouettes que de composer au désavantage de la Russie des combats sans fin ; mais ils ne sauraient par là remédier au délabrement universel de la monarchie turque. Ce fantôme s’écroule ; ils l’ont eux-mêmes secoué, mal à propos peut-être : voilà ce que c’est que de ne pas connaître à qui l’on a affaire. Le roi Ali d’Égypte a su profiter de l’occasion ; on dit que les

  1. Le Clerc de Montmercy.
  2. Collection de Documents, Mémoires et Correspondances relatifs à l’histoire de l’empire de Russie, etc., tome X, page 421.