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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/110

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chrétiens et les musulmans en sont également contents, parce que le roi Ali est tolérant et juste. Les Vénitiens, à force de politiquer lorsqu’il s’agit de profiter, ressemblent à cet animal de la fable qui mourait de faim entre deux bottes de foin.

Dormez tranquillement, monsieur ; les affaires de votre favorite (après ce que vous me dites, et l’amitié que vous ne discontinuez de me témoigner, je prends hardiment ce titre) vont un train très-honnête : elle-même en est contente, et ne craint les Turcs ni par terre ni par mer.

Cette flotte turque, dont on fait tant de bruit, est merveilleusement bien équipée ! Faute de matelots, on a mis sur les vaisseaux de guerre les jardiniers du sérail.

Je vous promets d’achever mon code après la paix.

Frère Ganganelli a trop d’esprit pour être fâché, au fond de son cœur, de mes progrès. Nous n’avons rien à démêler ensemble. Je ne lui ai pris ni Avignon, ni Bénévent. Ma cause, au bout du compte, est celle de la chrétienté. Il n’appartenait qu’à frère Rezzonico[1] de s’aveugler dans sa dévotion. Clément XIV me paraît plus éclairé.

Les capucins, monsieur, ont, je pense, les mêmes droits que les cordeliers. Vous pouvez devenir pape[2] ; et même cela doit se faire pour le bien de l’Église, c’est voici pourquoi les deux chefs de l’Église grecque et romaine non-seulement seront en correspondance directe, mais encore on les verra liés par l’amitié, chose qui n’a existé encore jusqu’ici. Je prévois déjà d’avance un grand bien pour la chrétienté. Je vous déclare que je serai modérée, mais ferme sans opiniâtreté. Adieu, monsieur ; portez-vous bien, et soyez assuré qu’on ne saurait ajouter à la sensibilité que j’ai pour toutes les marques d’amitié que vous me donnez. Rien aussi n’égale l’estime que j’en fais.

7911. — À M. LACOMBE.
Juin.

Ah ! monsieur, que je suis content de Mélanie ! voilà le style dont il faut écrire. Les Welches vont être débarbarisés.

Je ne regarde l’aventure de l’Encyclopédie que comme une défense aux rôtisseurs de Paris d’étaler des perdrix pendant le carême. Je suis persuadé qu’après Pâques on fera très-bonne chère. Je souhaite beaucoup la délivrance des volumes de l’Encyclopédie et des rescriptions. Les dernières m’intéressent très-particulièrement.

Je vous remercie, mon cher monsieur, de la Gazette littéraire et de la lettre de M. de Fontanelle, et d’avoir purgé votre li-

  1. Clément XIII.
  2. Voltaire avait été agrégé à l’ordre des capucins.