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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/114

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7915. — À M. LE FRANÇAIS,
ancien officier de cavalerie.
Ferney, 11 juin.

Le vieillard très-malade que M. Le Français a bien voulu honorer de son attention, et des meilleurs vers qu’on ait faits depuis longtemps, lui demande bien pardon de le remercier si tard, et de ne le remercier qu’en prose : soixante-seize ans, des montagnes pleines de neige qui lui font perdre la vue, et des maladies cruelles, sont une excuse trop valable ; agréez-la, monsieur, avec la reconnaissance respectueuse que vous doit le solitaire honoré de vos bontés.

7916. — À M. D’ALEMBERT.
11 juin.

Mon cher ami, mon cher philosophe, êtes-vous toujours bien imbécile à la manière de Locke et de Newton ? Prêtez-moi un peu de votre bêtise, j’en ai grand besoin. On dit que vous nous donnez pour confrère monsieur l’archevêque de Toulouse[1], qui passe pour une bête de votre façon, très-bien disciplinée par vous. Savez-vous quand les bêtes d’une autre espèce cesseront d’être assemblées ? cela est assez important pour ce pauvre Panckoucke.

Répondez, je vous prie, à une autre question.

Le roi de Prusse vous a envoyé, sans doute, son petit écrit[2] contre un livre imprimé cette année, intitulé Essai sur les Préjugés ; ce roi a aussi les siens, qu’il faut lui pardonner : on n’est pas roi pour rien. Mais je voudrais savoir quel est l’auteur de cet Essai contre lequel Sa Majesté prussienne s’amuse à écrire un peu durement. Serait-il de Diderot ? serait-il de Damilaville ? serait-il d’Helvétius ? peut-être ne le connaissez-vous point ; je le crois imprimé en Hollande. L’auteur, quel qu’il soit, me paraît ressembler à Le Clerc de Montmercy ; il a de la force, mais il fait trop de prose, comme l’autre fait trop de vers.

Il faut que je vous dise un mot de la plaisanterie de l’effigie. Le vieux magot que Pigalle veut sculpter sous vos auspices a perdu toutes ses dents, et perd ses yeux ; il n’est point du tout

  1. Loménie de Brienne ; voyez tome XLIII, page 558.
  2. Voyez lettre 7893.