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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/155

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lesquels les Romains assurèrent aux Grecs leur liberté par un décret public ; et ce sera l’action la plus glorieuse de votre vie.

Mais comment maintenir la force de ce décret, s’il ne reste des troupes en Grèce ? Je voudrais encore que le cours du Danube et la navigation sur ce fleuve vous appartinssent le long de la Valachie, de la Moldavie, et même de la Bessarabie. Je ne sais si j’en demande trop, ou si je n’en demande pas assez : ce sera à vous de décider, et de faire frapper une médaille qui éternisera vos succès et vos bienfaits. Alors Tomyris se changera en Solon, et achèvera ses lois tout à son aise. Ces lois seront le plus beau monument de l’Europe et de l’Asie : car, dans tous les autres États, elles sont faites après coup, comme on calfate des vaisseaux qui ont des voies d’eau ; elles sont innombrables, parce qu’elles sont faites sur des besoins toujours renaissants ; elles sont contradictoires, attendu que ces besoins ont toujours changé ; elles sont très-mal rédigées, parce qu’elles ont presque toujours été écrites par des pédants, sous des gouvernements barbares. Elles ressemblent à nos villes bâties irrégulièrement au hasard, mêlées de palais et de chaumières dans des rues étroites et tortueuses.

Enfin que Votre Majesté donne des lois à deux mille lieues de pays, après avoir donné sur les oreilles à Moustapha !

Voilà les consolations du vieux ermite qui, jusqu’à son dernier moment, sera pénétré pour vous du plus profond respect, de l’admiration la plus juste, et d’un dévouement sans bornes pour Votre Majesté impériale.

7964. — DE M. HENNIN[1].
Ce samedi 21 juillet 1770.

Voici, monsieur, deux lettres, dont j’ai reçu l’une par la poste ; l’autre m’a été remise par un voyageur que je connais depuis vingt ans pour un homme fort instruit. Si vous permettez, je vous le mènerai demain au soir. Il vient de Rome, où il a vu plus que beaucoup d’autres, et j’espère que vous en serez content.

Notre Versoy ira bien ; nous aurons des temples en forme de maisons en attendant mieux. Mais on veut nous vendre le terrain, et je suis fâché de voir notre maître lésiner pour cinquante mille écus. Savez-vous quelque chose de la boucherie de Portugal[2] ? Votre Catau a envoyé trop de vaisseaux

  1. Correspondance inédite de Voltaire avec P.-M. Hennin, 1825.
  2. Ceci est relatif aux troubles que causèrent en Portugal les mesures du mar-