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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/228

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CORRESPONDANCE.

vous envoie[1], et de le faire lire à madame votre fille, vous verrez bien que je mérite vos reproches bien moins que vous ne croyez. J’aime passionnément la philosophie qui tend au bien de la société, et à l’instruction de l’esprit humain, et je n’aime point du tout l’autre. Il n’y a qu’à s’entendre, et jusqu’ici vous ne m’avez pas trop rendu justice sur cet article. Comme d’ailleurs il est question de chimie dans le chiffon que je mets à vos pieds, vous en êtes juge très-compétent.

Vous ne l’êtes pas moins de ce pauvre théâtre français qui était si brillant, sous Louis XIV, et qui tombe dans une si triste décadence, ainsi que bien des choses. Si d’ici à la Saint-Martin vous avez quelques moments à perdre, je vous supplierai de jeter les yeux sur quelque chose dont le tripot d’aujourd’hui pourra se mêler. Je conçois bien que notre théâtre sera toujours meilleur que celui de Pétersbourg, où l’on ne joue plus de tragédies françaises, parce que l’on n’a pas trouvé un seul acteur. Il faudra désormais représenter les pièces de Sophocle dans Athènes, si on enlève la Grèce aux Turcs, comme on vient de leur enlever les bords de la mer Noire, à droite, jusqu’aux embouchures du Danube, et à gauche jusqu’à Trébisonde. Ils ont été battus au pied du Caucase, dans le même temps que le grand vizir perdait sa bataille et abandonnait tout son camp. Si vous trouvez cela peu de chose, vous êtes difficile en opérations militaires, mais assurément c’est à vous qu’il est permis d’être difficile.

Je supplie mon héros d’être toujours un peu indulgent envers son ancien serviteur, qui n’en peut plus, et qui vous sera attaché jusqu’au dernier moment de sa vie avec le plus profond et le plus tendre respect.

8044. — DE CATHERINE II,
impératrice de russie.
Ce 28 septembre-9 octobre.

Monsieur, vous aimez les belles âmes : voyez comme celle du comte Alexis Orlof s’est peinte dans la réponse qu’il a faite aux consuls chrétiens de Smyrne ! Je suis persuadée que vous serez content de lui (l’imprimé ci-joint la contient). Ai-je tort, quand je dis que ces Orlof sont nés pour les grandes choses ?

Vous me demandez, dans votre lettre du 21 septembre, si le général

  1. La petite brochure intitulée Dieu, etc. ; voyez la note 1, page 153.