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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/238

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CORRESPONDANCE.

me trouve beaucoup d’esprit. Cependant à quarante ans on n’augmente guère, devant le Seigneur, en esprit et en beauté.

Je pense effectivement avec vous que bientôt il sera temps que j’aille étudier le grec dans quelque université : en attendant, on traduit Homère en russe ; c’est toujours quelque chose pour commencer. Nous verrons, d’après les circonstances, s’il sera nécessaire d’aller plus loin. L’esprit du peuple turc se range de notre côté ; ils disent que leur sultan est insensé d’exposer son empire à tant de revers, et que les conseils de ses amis deviendront funestes aux musulmans.

Adieu, monsieur ; portez-vous bien, et priez Dieu pour nous.

Catherine.
8055. — À M. D’ALEMBERT.
20 octobre.

Mon cher et véritable philosophe, il y a d’étranges rencontres. Le réquisitorien [1] arrive à Ferney le même jour que vous, et Palissot arrive à Genève la veille de votre départ. Il y est encore ; on dit qu’il y fait imprimer un bel ouvrage contre la philosophie[2]. Je n’ai eu l’honneur de voir ni l’ouvrage ni l’auteur.

On prétend qu’un jeune philosophe[3], avocat général de Bordeaux, amoureux de la tolérance, de la liberté, et d’Henri IV, a été enlevé par lettre de cachet, et conduit à Pierre-Encise. C’est apparemment pour ces trois délits ; mais Palissot aura probablement une place considérable à son retour à Paris, et Fréron sera fait maître des requêtes.

Si vous pouvez vous arracher de Montpellier, où il y a tant d’esprit et de connaissances ; si vous allez à Aix, comme c’était votre intention, on vous recommandera une affaire auprès de M. Castilhon[4], qui pense comme M. Dupaty, et qui cependant n’habitera point, à ce que j’espère, le château de Pierre-Encise ; il vaudrait pourtant mieux y être que d’avoir fait certain réquisitoire.

J’ai peur que vous ne trouviez le requérant à Montpellier ; vous venez toujours après lui partout où il va.


Persequitur pede Pœna claudo[5].

  1. L’avocat général Seguier ; voyez lettres 8031, 8035, 8037.
  2. Il était question d’y imprimer une édition de ses Œuvres ; voyez lettre 8072.
  3. M. Dupaty. (K.) — Voyez lettre 7514.
  4. Voyez tome XLIV, page 104.
  5. Raro antecedentem scelestum

    Deseruit pede Pœna claudo.


    (Hor., lib. III, od. ii.)