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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/245

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ANNÉE 1770.

Je vois que Votre Majesté les imite parfaitement : il n’y a point d’ailleurs de saisons pour vos soldats ; ils peuvent prendre Bender en octobre, et marcher vers Andrinople en novembre.

Plus vos succès sont grands, plus mon étonnement redouble qu’on ne les ait pas secondés, et que la race des Turcs ne soit pas déjà chassée de l’Europe.

Je pense que les plus grands princes se trompent souvent en politique beaucoup plus que les particuliers dans leurs affaires de famille. Ils aiment fort leurs intérêts, ils les entendent ; et, par une fatalité trop commune, ils ne les suivent presque jamais.

Quoi qu’il en soit, voici le temps de la plus belle et de la plus noble révolution, depuis les conquêtes des premiers califes. Si cette révolution ne vous est pas réservée, elle ne l’est à personne. Je serais très-affligé que Votre Majesté ne retirât de tant de travaux que de la gloire. Votre âme forte et généreuse me dira que c’est beaucoup ; et moi, je prendrai la liberté de répondre qu’après tant de sang et de trésors prodigués, il faut encore quelque autre chose : les rayons de la gloire des souverains, dans de pareilles circonstances, se comptent par le nombre des provinces qu’ils acquièrent.

Pardon de mes inutiles réflexions. Votre Majesté les excusera, puisque le cœur les dicte, et vous vous en direz plus en deux mots que je ne vous en dirais en cent pages.

Que Votre Majesté impériale daigne agréer avec sa bonté ordinaire ma joie de vos succès, mon admiration pour MM. les comtes Orlof, pour vos généraux et vos braves troupes, mes vœux pour des succès encore plus grands, mon profond respect, mon enthousiasme, et mon attachement inviolable.

Le vieil Ermite.
8064. — À M. DE LA SAUVAGÈRE[1].
25 octobre, au château de Ferney, par Lyon et Versoy.

Monsieur, j’ai eu l’honneur de vous envoyer, par la voie de Paris, le petit livre des Singularités de la Nature[2] ; il y a des choses dans ce petit ouvrage qui sont assez analogues à ce qui se passe dans votre château je m’en rapporte toujours à la nature, qui

  1. Voyez lettre 8028.
  2. Tome XXVII, page 125.