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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/246

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CORRESPONDANCE.

en sait plus que nous, et je me défie de tous les systèmes. Je ne vois que des gens qui se mettent sans façon à la place de Dieu, qui veulent créer un monde avec la parole.

Les prétendus lits de coquilles qui couvrent le continent, le corail formé par des insectes, les montagnes élevées par la mer, tout cela me paraît fait pour être imprimé à la suite des Mille et une Nuits.

Vous me paraissez bien sage, monsieur, de ne croire que ce que vous voyez ; les autres croient le contraire de ce qu’ils voient, ou plutôt ils veulent en faire accroire ; la moitié du monde a voulu toujours tromper l’autre : heureux celui qui a d’aussi bons yeux et un aussi bon esprit que vous !

J’ai l’honneur d’être avec la plus respectueuse estime, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.
8065. — À M. LE COMTE DE SCHOMBERG[1].
28 octobre.

Le ciron qui a parlé de Dieu remercie bien sincèrement le brave militaire philosophe qui a daigné faire valoir la théologie de ce ciron. Je vous avoue, monsieur, que vous me rendez un très-grand service. J’ai toujours pensé tout ce que j’ai dit dans ce petit ouvrage[2]. Je le crois honnête, et puisque vous l’approuvez, j’ose le croire utile. Il le sera beaucoup pour moi, s’il parvient à détromper ceux qui m’ont imputé des sentiments dont je suis si éloigné. J’ai trouvé ces trois exemplaires que j’ai l’honneur de vous envoyer, et, si vous me le permettez, j’en chercherai d’autres. Ce malheureux livre du Système de la Nature a fait un tort irréparable à la vraie philosophie. Ce n’est pas d’aujourd’hui que les bons pâtissent pour les méchants.

Tout ce que je souhaite sur la fin de ma vie, monsieur, c’est que vous fassiez beaucoup de revues en Franche-Comté, et que je puisse voir un jour M. le duc et Mme la duchesse de Choiseul faire leur entrée à Versoy. Je suis pénétré pour vous de la plus respectueuse reconnaissance.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. La réponse à d’Holbach.