Mon cher petit philosophe, à qui tout Ferney fait les plus tendres compliments, a fait un très-bon article sur le mariage. Il n’est pas possible qu’il ne fasse pas un très-heureux mariage après en avoir si bien parlé.
Il se pourra bien qu’on ne rapporte l’affaire des esclaves qu’après la Saint-Martin. Tant mieux ! nous aurons alors le discours de M. Seguier, qui nous sera d’un très-grand secours.
On embrasse tendrement mon cher petit philosophe.
Je me hâte, monsieur, de vous remercier de vos bontés ; je crains que ma lettre ne vous trouve pas dans vos terres du Gévaudan ; mais elle vous sera renvoyée à Paris ou à Versailles. Pourquoi n’ai-je pas eu la consolation de rendre mes hommages à ce couple aimable dans ma solitude ? Elle est bien triste ; nous y sommes tous malades[2].
Je ne pourrai vous présenter sitôt le Siècle de Louis XIV et de Louis XV. C’est un ouvrage aussi difficile qu’immense. Il y a deux ans que j’y travaille ; mais il sera fini bientôt.
Pendant que je fais mes efforts pour élever ce monument à la gloire du roi et de ma patrie, la calomnie prend des pierres pour écraser l’auteur ; le jansénisme hurle, les dévots cabalent ; on ne cesse de m’imputer des brochures contre des choses que je respecte et dont je ne parle jamais. Les assassins du chevalier de La Barre voudraient une seconde victime ; vous ne sauriez croire jusqu’où va la fureur de ces ennemis de l’humanité : la solitude, les maladies, rien ne les désarme, rien ne les apaise ; il s’élève une espèce d’inquisition en France, tandis que celle d’Espagne pleure d’avoir les griffes coupées et ses ongles arrachés ; ceux même qui méprisent et qui affligent le plus le chef prétendu de l’Église se font une gloire barbare de paraître les