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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/263

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ANNÉE 1770.
8084. — À M. CHRISTIN[1].
16 novembre.

Mon très-cher petit philosophe, la Saint-Martin est passée sans que le procès des tyrans et des esclaves ait été rapporté. J’écris à M. l’avocat général Seguier pour le prier de vouloir bien communiquer à M. Cherry son plaidoyer et ses conclusions, suivant lesquelles lesdits tyrans de Saint-Claude furent condamnés, il y a dix ans, dans un cas à peu près semblable. Il affirmait dans son discours qu’il n’y a plus d’esclaves en France, et c’est la jurisprudence du parlement de Paris. C’est ce que je représente de toutes mes forces au ministère. Dites bien à vos chers esclaves que je travaillerai pour eux jusqu’au moment de la décision, et qu’il faut absolument qu’ils soient libres.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

8085. — À M. LE MARQUIS DE VILLEVIEILLE.
À Ferney, 16 ou 17 novembre.

Votre lettre de Cirey, monsieur, adoucit les maux qui sont attachés à ma vieillesse. J’aimerai toujours le maître du château, et je n’oublierai jamais les beaux jours que j’y ai passés. Je vous sais très-bon gré d’être attaché à votre colonel, qui est assurément un des plus estimables hommes de France[2]. Je l’ai vu naître, et il a passé toutes mes espérances.

Je ne sais comment je pourrai vous faire tenir la petite réponse au Système de la Nature[3] ; ce n’est point un ouvrage qui puisse être imprimé à Paris. En rendant gloire à Dieu, il dit trop la vérité aux hommes. Il leur faut un dieu aussi impertinent qu’eux ; ils l’ont toujours fait à leur image. Paris s’amuse de ces disputes comme de l’opéra-comique. Il a lu le Système de la Nature avec le même esprit qu’il lit de petits romans ; au bout de trois semaines on n’en parle plus. Il y a, comme vous le dites, des morceaux d’éloquence dans ce livre ; mais ils sont noyés dans des déclamations et dans des répétitions. À la longue, il a le secret d’ennuyer sur le sujet le plus intéressant.

La chanson que vous m’envoyez doit avoir beaucoup mieux

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. M. le duc du Châtelet. (K.)
  3. Voyez ci-dessus, page 153.