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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/298

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CORRESPONDANCE.

Je veux que vous m’écriviez dorénavant à cœur ouvert : nous n’avons rien à dissimuler[1] ensemble ; mais, quelque chose que vous ayez la bonté de m’écrire, faites contre-signer par votre grand’maman, ou envoyez votre lettre chez M. Marin, secrétaire général de la librairie, rue des Filles-Saint-Thomas, qui me la fera tenir très-sûrement ; le tout pour cause.

8126. — À M. DUPATY[2].
Décembre.

Le paquet dont vous m’avez honoré, monsieur, et mon petit billet se sont croisés, comme vous l’avez vu. Ah ! ah ! vous êtes donc aussi des nôtres ! votre poésie est pleine d’imagination. Tous les hommes éloquents ont commencé par faire des vers. Cicéron et César en firent avant d’être consuls : ils eurent l’un et l’autre de furieuses lettres de cachet ; mais je ne sais s’il ne vaut pas mieux être assassiné par ceux que l’on peut assassiner aussi, que de voir sa destinée dépendre entièrement de quatre mots griffonnés par un commis. Ce n’est pas moi qui vous écris cela, au moins ; c’est un Suisse qui a soupé chez moi avec un Anglais. Pour moi, je n’écris à personne ; je suis très-vieux et très-malade. Si vous voulez venir chez moi, vous me rendrez la vie, car vous me ferez penser. Je m’intéresse à vous comme un père à son fils, et le fils est très-respecté par le père.

Mille très-humbles et très-tendres obéissances à M. de Bory.

8127. — À M. D’AGINCOURT[3],
fermier général.
17 décembre.

Non, monsieur, je ne suis point assurément de l’avis des sots et des ignorants qui pensent que les chevaliers romains chargés du recouvrement des impôts publics n’étaient pas des citoyens nécessaires et estimables. Je sais que Jésus-Christ les anathéma-

  1. Voltaire veut sans doute faire allusion à ces vers de Quinault (Atys, acte I, scène vi) :

    Qui n’a plus qu’un moment à vivre
    N’a plus rien à dissimuler.

  2. Voyez lettres 8107 et 8123.
  3. Jean-Baptiste-Louis-George Séroux d’Agincourt, né à Beauvais en 1730, mort à Rome le 24 septembre 1814, connu par son Histoire de l’Art par les Monuments, 1810-1823, trois volumes in-folio.