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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/299

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ANNÉE 1770.

tise[1] ; mais en récompense il prit un commis de la douane pour un de ses évangélistes. Pour moi, je n’ai qu’à me louer de messieurs les fermiers généraux et de leur générosité, depuis que j’ai établi une petite colonie dans un désert qui n’est pas celui de Jean.

Je recommande encore cette colonie à leur bienveillance. Ces nouveaux habitants ne sont venus que sur la promesse royale, expédiée en bonne forme, d’être exempts de toutes charges et de tous droits jusqu’à nouvel ordre. Vous m’avouerez qu’un Suisse ne peut pas deviner qu’en France il faut, d’un village à un autre, pour une livre de beurre, un acquit-à-caution qui coûte de l’argent.

Certainement l’intention du roi, ni celle des fermes générales, n’est pas que des fabricants payent pour les outils qu’ils apportent.

Je laisse à votre humanité et à votre sagesse, et à celle de messieurs vos confrères, à vous arranger avec M. le duc de Choiseul, quand il aura fondé la ville de Versoy. Vous pensez comme lui sur l’avantage du royaume. Je me flatte que nous lui aurons l’obligation de la paix, parmi tant d’autres. Si la guerre se déclare, notre petit canton est perdu pour longtemps.

Oui, monsieur, j’ai dit que Newton et Locke étaient les précepteurs du genre humain[2], et cela est vrai ; mais Locke et Newton n’auraient pas mis le monde en feu pour une île déserte, située vers le pays des Patagons.

Il est encore très-vrai que Louis XIV dut la paix d’Utrecht au ministère d’Angleterre ; mais ce n’est pas une raison pour que la France fasse la guerre au roi George III, qui n’en a certainement nulle envie.

Je vois, monsieur, que vous êtes patriote et homme de lettres autant pour le moins que fermier général. Vous me faites souvenir d’Atticus, qui était fermier général aussi ; mais c’était de l’empire romain.

8128. — À M. D’ALEMBERT.
19 décembre.

Je suis bien embarrassé, vrai ami, vrai philosophe. Si j’étais à Paris, je ferais le moulinet ; mais des bords du lac Léman je

  1. Matthieu, chapitre xviii, v. 17 ; voyez tome XXV, page 353.
  2. Voyez tome XXII, page 177 ; et, tome III, la dédicace d’Alzire.