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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/339

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ANNÉE 1770.

deur d’âme singulière, qui n’est égalée que par la bonté de son cœur.

Est-il vrai, comme on le dit, que monsieur et madame sont endettés de deux millions ?

Est-il vrai qu’on leur ait offert douze cent mille francs le jour de leur départ ?

Reçoivent-ils des visites ? comment se porte votre ami de trente-cinq ans[1] ? son séjour est bien beau, mais il est bien triste en hiver.

Pouvez-vous encore me dire ce que devient M. de La Ponce ? Vous me direz que je suis un grand questionneur ; mais vous répondrez ce qu’il vous plaira, on ne vous force à rien.

Conservez votre santé, mes deux anges ; c’est là le grand point. Je sens ce que c’est que de ne n’en avoir point ; c’est être damné, au pied de la lettre. Je mets ma misère à l’ombre de vos ailes.

8183. — À MADAME DE SAINT-JULIEN[2].
À Ferney, 19 janvier.

Madame, le vieil ermite qui a eu l’honneur de vous faire sa cour à Ferney prend cette occasion pour vous faire ressouvenir de lui : il est devenu presque entièrement aveugle ; il n’en est pas extrêmement affligé. À quoi lui serviraient ses yeux, puisqu’il ne peut avoir le bonheur de vous voir ?

Celui qui vous rendra cette lettre est un homme de mérite qui comptait bâtir la ville de Versoy, laquelle, probablement, ne se bâtira de longtemps. C’est lui qui a fait, sur le lac de Genève, un port digne de l’Océan, pour recevoir tout au plus quelques bateaux de charbon. Si vous pouvez lui rendre quelque bon office, je vous en serai aussi obligé que si vous me l’aviez rendu à moi-même.

Ma tristesse, madame, est la très-humble servante de votre gaieté, et ma vieillesse salue votre jeunesse toujours brillante. Daignez conserver vos anciennes bontés pour le très-vieil ermite de Ferney.

  1. Le duc de Praslin.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.