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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/347

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ANNÉE 1770.

Je ne reviens point de l’insolence de ce petit Clément[1], qui décide à tort et à travers, et qui s’associe avec Le Brun pour louer Le Brun aux dépens de M. Delille. Il est vrai qu’il n’est coupable que d’être un fat, cela ne méritait pas la prison[2].

Croyez-vous que nous aurons un ministre des affaires étrangères ? Nomme-t-on toujours M. le duc d’Aiguillon ? On peut être très-entaché dans le parlement, et très-bien servir le roi. Mais le grand point est qu’on se réjouisse à Paris. Je dis toujours : Ô Welches ! ayez du plaisir, et tout ira bien. Mais pour avoir du plaisir, il faut de l’argent ; et on dit que M. l’abbé Terray n’en donne guère[3].

8190. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Berlin, le 29 janvier[4].

En lisant votre lettre, j’ai cru que la correspondance d’Ovide avec le roi Cotys continuait encore, si je n’avais vu le nom de Voltaire au bas de cette lettre. Elle ne diffère de celle du poëte latin qu’en ce qu’Ovide eut la complaisance de composer des vers en langue thrace, au lieu que vos vers sont dans votre langue naturelle.

J’ai reçu en même temps ces Questions encyclopédiques, qu’on pourrait appeler à plus juste titre Instructions encyclopédiques. Cet ouvrage est plein de choses. Quelle variété ! que de connaissances, de profondeur ! et quel art pour traiter tant de sujets avec le même agrément ! Si je me servais du style précieux, je pourrais dire[5] qu’entre vos mains tout se convertit en or.

Je vous dois encore des remerciements au nom des militaires pour le détail que vous donnez des évolutions d’un bataillon. Quoique je vous connusse grand littérateur, grand philosophe, grand poëte, je ne savais pas que vous joignissiez à tant de talents les connaissances d’un grand capitaine. Les règles que vous donnez de la tactique[6] sont une marque certaine que vous jugez cette fièvre intermittente des rois, la guerre, moins dangereuse que de certains auteurs ne la représentent.

Mais quelle circonspection édifiante dans les articles qui regardent la foi !

  1. Voyez lettre 8193.
  2. Sur la plainte de Saint-Lambert, Clément avait été mis au For-l’Évêque.
  3. Les Choiseul furent très-indignés de cette lettre. Voyez la lettre de la duchesse de Choiseul à Mme du Deffant, du 11 mars 1771. Correspondance complète de Mme du Deffant avec la duchesse de Choiseul, etc., publiée par M. le marquis de Sainte-Aulaire, tome I, pages 363 et suiv.
  4. Berlin, 19 janvier 1771. (Œuvres posthumes.) — Le 29 janvier Frédéric n’était pas à Berlin, mais à Potsdam.
  5. « En style précieux je pourrais vous dire… » (Édit. de Berlin.)
  6. Voyez l’article Armes, Armées, tome XVII, pages 376 et suiv.