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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/350

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CORRESPONDANCE.

On ne peut rien ajouter à l’épitaphe faite par le roi. Il n’y a que vous, madame, dont le pinceau puisse se joindre au sien.

C’est un prodige bien singulier qu’une dame, aussi aimable que vous l’êtes, ait fait une étude particulière des deux langues savantes qui dureront plus que toutes les autres langues de l’Europe. Vous avez la science de Mme Dacier, et elle n’avait point vos grâces.

Que ne puis-je, madame, être auprès de vous ! que ne puis-je vous parler longtemps de mon cher Isaac, et surtout vous entendre !

Si vous permettez en effet que mon amitié et ma douleur gravent un mot dans un coin du monument que vous lui destinez ; si vous souffrez que mes sentiments s’expliquent après ceux du roi de Prusse et les vôtres, vous ne doutez pas que je ne sois à vos ordres. Vous ne sauriez croire combien j’ai été touché de votre lettre. S’il restait encore quelque chose de nous-mêmes après nous (ce qui est fort douteux), il vous saurait gré de la consolation que vous m’avez donnée en m’écrivant.

Soyez bien persuadée, madame, de l’estime respectueuse avec laquelle je serai, tant que je vivrai, votre, etc.

8193. — À M. D’ALEMBERT.
2 février.

Mon très-cher philosophe, c’est une consolation bien faible que les assassins du chevalier de La Barre soient à leurs maisons de campagne ; mais nous ne pouvons pas espérer plus de justice dans ce monde.

Avez-vous entendu parler de ce nouveau législateur de la littérature, nommé Clément, qui juge à mort M. de Saint-Lambert et l’abbé Delille[1] ? J’ai lu cet animal, et me suis figuré que Messieurs auraient tous une pareille dose d’orgueil. Est-il vrai que ce maroufle a l’honneur d’être mis au For-l’Évêque ? J’admire ce ton décisif que prennent aujourd’hui tous les gredins de la littérature. Ce polisson, qui juge si impérieusement ses maîtres, présenta, il y a deux ans, une tragédie aux comédiens, qui ne purent en lire que deux actes. Ne pouvant parvenir à l’honneur

  1. Clément avait publié à la fin de 1770, et sous la date de 1771, des Observations critiques sur la nouvelle traduction en vers français des Géorgiques de Virgile, et les poëmes des Saisons, de la Déclamation et de la Peinture ; un volume petit in-8°.