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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/353

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ANNÉE 1770.

imagine, des négligences qui n’existent pas ; et, sur ce beau fondement, il mortifie son très-humble et très-obéissant serviteur.

L’Europe croit que j’ai beaucoup de crédit sur l’esprit de mon héros : l’Europe se trompe, et je lui certifierai, quand elle voudra, que je n’en ai aucun, et qu’il passe sa vie à se moquer de moi ; cependant il faut qu’il soit juste.

Là, mon héros, mettez la main sur la conscience ; vous avez fait serment devant Dieu de donner votre voix au plus digne, sans écouter la brigue et les cabales. Jugez quel est le plus digne, et songez à ce que dira de vous la postérité, si vous me bafouez dans cette affaire de droit. Je vous avertis que cette postérité a l’œil sur vous, quoique vous soyez continuellement occupé du présent. Je me plaindrai à elle, comme font tous les mauvais poëtes, et, toute prévenue qu’elle est en votre faveur, elle me rendra justice. Ne désespérez point le très-vieux et très-raillé solitaire du mont Jura, qui vous a toujours aimé et révéré d’un culte de dulie, et qui en est pour son culte.

8196. — À M. JOLY DE FLEURY[1].
conseiller d’état.
À Ferney, 4 février.

Monsieur, vous ne serez point surpris qu’un homme qui a eu l’honneur de vous faire sa cour pendant que vous étiez intendant de Bourgogne vous implore pour des infortunés ; il vous voyait alors occupé du soin de les soulager.

L’avocat que je prends la liberté de vous présenter n’est point un homme que l’on doive juger par la taille[2]. Il joint à la plus grande probité une science au-dessus de son âge. Il est le défenseur de douze ou quinze mille bons sujets du roi, que vingt chanoines veulent rendre esclaves. Il a cru que quinze mille cultivateurs pouvaient être aussi utiles à l’État, du moins dans cette vie, que vingt chanoines qui ne doivent être occupés que de l’autre.

Vous connaissez cette affaire, monsieur ; vous en êtes juge. Il ne m’appartient pas d’oser vous parler en faveur d’aucune des parties ; mais il m’est permis de vous dire que l’impératrice de

  1. Voyez tome XXXVIII, page 409.
  2. M. Christin.