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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/388

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CORRESPONDANCE.

membres du conseil souverain de Berne, qu’il n’avait jamais vus. Il voulut ensuite en faire une nouvelle édition ; M. le comte d’Erlach en écrivit en France, où La Beaumelle était pour lors ; on l’exila dans le pays des Cévennes, dont il est natif. Je ne vous parle, monsieur, que papiers sur table et preuves en main.

Il avait outragé la maison de Saxe dans le même libelle (p. 108), et s’était enfui de Gotha avec une femme de chambre qui venait de voler sa maîtresse.

Lorsqu’il fut en France, il demanda un certificat de Mme la duchesse de Gotha. Cette princesse lui fit expédier celui-ci :

« On se rappelle très-bien que vous partîtes d’ici avec la gouvernante des enfants d’une dame de Gotha, qui s’éclipsa furtivement avec vous, après avoir volé sa maîtresse, ce dont tout le public est pleinement instruit ici. Mais nous ne disons pas que vous ayez part à ce vol. À Gotha, 24 juillet 1767. Signé Rousseau, conseiller aulique de Son Altesse sérénissime. »

Son Altesse eut la bonté de m’envoyer la copie de cette attestation, et m’écrivit ensuite ces propres mots, le 15 auguste 1767 : « Que vous êtes aimable d’entrer si bien dans mes vues au sujet de ce misérable La Beaumelle ! Croyez-moi, nous ne pouvons rien faire de plus sage que de l’abandonner, lui et son aventurière, etc. » Je garde les originaux de ces lettres, écrites de la main de Mme la duchesse de Gotha. Je pourrais alléguer des choses beaucoup plus graves ; mais comme elles pourraient être trop funestes à cet homme, je m’arrête par pitié.

Voilà une petite partie du procès bien constatée. Je vous en fais juge, monsieur, et je m’en rapporte à votre équité.

Dans ce cloaque d’infamies, sur lequel j’ai été forcé de jeter les yeux un moment, j’ai été bien consolé par votre souvenir. Je vous souhaite du fond de mon cœur une vieillesse plus heureuse que la mienne, sous laquelle je succombe dans des souffrances continuelles.

J’ai l’honneur d’être, etc.

8236. — À MADAME LA COMTESSE D’ARGENTAL.
Ferney, 9 mars.

Je ne pourrai aujourd’hui, madame, parler à mes anges ni de M. Lantin, ni du petit antiCrébillon[1] que M. de Thibouville

  1. C’est-à-dire le jeune homme qui devait présenter et lire au comité de la