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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/391

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ANNÉE 1771.

Je devrais peut-être mettre votre Julien sur cette petite liste des princes que leurs ouvrages font admirer ; mais je vous avoue que la Satire des Césars[1], si vantée, ne me plaît guère : je n’y trouve pas le ton de la bonne plaisanterie. Si vous en jugez plus favorablement, pardonnez à mon mauvais goût.

Ma lettre devient trop longue : je vous en demande pardon, vos moments sont trop précieux au public.

Vous êtes assez heureux, monsieur, pour que je ne puisse vous être bon à rien. S’il se présentait néanmoins quelque occasion de vous faire plaisir, disposez, je vous prie, de votre très-affectionné ami,

Fédéric-Guillaume, prince royal de Prusse.
8238. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
11 mars.

Je vous renvoie, mon cher ange, le cinquième service du souper d’Atrée[2], car il faut bien vous renvoyer quelque chose, et il m’est impossible de rien faire du manuscrit que j’ai reçu de M. de Thibouville, concernant M. Lantin[3]. Je suis absolument aveugle, et quand j’aurais les meilleurs yeux du monde, je n’aurais pas pu déchiffrer son horrible griffonnage ; mais quand il se serait servi d’un secrétaire de ministre, je n’y aurais rien compris. Je m’en suis fait lire quelques lignes ; la première commence ainsi :


Vous savez, Scipion, si vous m’avez aimée[4].


Au diable si jamais Scipion a aimé cette drôlesse ; et quand il l’aurait aimée, il ne fallait pas assurément qu’elle lui fit de telles agaceries. Ce vers n’est pas de moi ; il y en a aussi quelques autres qui n’en sont pas. En un mot, je n’y entends rien. Je sais bien que je ne suis pas dans ma patrie, et que je mourrai dans une terre étrangère ; mais il ne faut pas qu’on dénature ainsi mon bien de mon vivant.

Si vous avez quelque goût pour la besogne de M. Lantin, il faudrait lui envoyer l’exemplaire que M. Lekain a reçu en dernier lieu, sans quoi il ne pourra plus savoir où il en est, s’étant

  1. La Bletterie en a donné une traduction française à la suite de son Histoire de l’empereur Jovien, 1748, deux volumes in-12.
  2. Des Pelopides.
  3. C’est sous le nom de Lantin que Voltaire donnait Sophonisbe.
  4. Ce vers, n’étant pas de Voltaire, n’a pas été mis dans les variantes.