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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/392

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CORRESPONDANCE.

malheureusement dessaisi du seul exemplaire corrigé qui lui restât ; mais les Pelopides sont, à mon gré, un ouvrage bien autrement important ; il serait fort aisé de le faire représenter aux noces de Mme la comtesse de Provence. La mort de ma nièce de Florian m’obligerait alors de faire un voyage à Paris, et le délabrement de mes affaires serait un nouveau motif ; mais vous savez que mon cœur en aurait un autre bien plus pressant. Vous savez qu’il y a vingt-deux ans que je n’ai eu la consolation de vous voir ; je ne doute pas que vous n’ayez quelque scribe sous la main qui puisse transcrire les Pelopides.

8239. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 11 mars.

Il n’y a rien à répliquer, monseigneur, au Mémoire dont vous m’avez favorisé, si ce n’est ce que disait M. Le Grand à Louis XIV, sur les rangs que le roi venait de régler : « Sire, le charbonnier est maître chez lui. »

Le roi peut arranger les choses comme il lui plaît, à un bal, à son souper, à sa chapelle ; mais, pour la constitution de l’État, elle demande un peu plus d’attention et de connaissances.

Il est prouvé que la pairie est la vraie noblesse et la vraie juridiction suprême du royaume ; c’est l’ancien baronnage, c’est le véritable parlement, aussi ancien que la monarchie.

Guillaume le Conquérant, premier vassal du roi de France, porta les lois fondamentales de la France dans l’Angleterre, où elles se sont fortifiées, tandis qu’elles se sont affaiblies dans le lieu de leur origine. Cela est si vrai que la pairie a été toujours composée en Angleterre de ducs, de marquis, au nombre de deux, de comtes, de vicomtes et de barons ; les ducs y ont toujours eu et prennent encore le titre de très-haut et de très-puissant prince, et on les appelle encore votre grâce, qualité qu’on donne au roi.

Voilà pourquoi François de Montmorency, pair et maréchal de France (cité dans le Mémoire, page 11), fut inscrit dans le rôle des chevaliers de la Jarretière en 1572, sous ce titre : His Grace the most high and potent, Sa grâce le très-haut et puissant prince le duc de Montmorency.

La raison en est que, dans ce temps, les ducs et pairs étaient tous en Angleterre de la famille royale, comme ils l’avaient été en France. Les Anglais ont conservé leur ancienne prérogative,