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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/393

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ANNÉE 1771.

et c’est encore la raison pour laquelle les ducs et pairs anglais qui étaient dans l’armée du roi Guillaume III ne voulurent jamais céder aux princes de l’Empire. Les princes étrangers n’ont aucun rang en Angleterre que par courtoisie, et les chevaliers de la Jarretière ne marchent que suivant l’ordre de leur réception, indistinctement, selon l’ancien usage de France.

Puisque me voilà embarqué dans les profondeurs de la pairie, je vous dirai que la juridiction suprême, en matière d’État, a toujours continué d’être en Angleterre la seule cour des pairs, et qu’elle est seule le parlement, comme elle l’était chez nous.

Le roi de France peut encore assembler ses pairs où il veut, et juger la cause d’un pair où il veut, sans y appeler aucun homme de robe, cela est incontestable ; c’est pourquoi les difficultés que le parlement de Paris a faites au roi[1] en dernier lieu m’ont toujours paru très-mal fondées.

Votre jurisprudence ayant continuellement changé, ainsi que tous vos usages, vous avez certainement besoin d’une réforme.

Un des plus grands abus était de se voir obligé d’aller plaider trop loin de chez soi. Cet abus a ruiné mille familles, et la justice n’en a pas été mieux rendue. Si on peut y remédier, c’est un très-grand service rendu à l’État, et qui mérite la reconnaissance de la nation.

Voilà mes petites idées, elles se soumettent entièrement aux vôtres, comme de raison ; vous devez assurément en savoir plus que moi sur tout ce qui concerne votre très-respectable pétaudière. J’en parle comme un moineau qui ne doit pas juger les aigles de son pays.

Je me mets, dans le fond de mon pot à moineaux, sous la protection de l’aigle de Fontenoy, de Gênes, et de Minorque.

Conservez vos bontés pour ce vieil aveugle, qui vous est dévoué avec un respect aussi tendre que s’il avait deux yeux.

Si vous pouviez me gratifier des Remontrances de la cour des aides[2], je vous serais infiniment obligé ; mais de quoi s’avise la cour des aides ? et que fera la cour des monnaies ?

  1. En poursuivant le duc d’Aiguillon, malgré la défense du roi ; voyez tome XXVIII, page 382.
  2. Elles avaient été rédigées par Malesherbes. Voltaire y fit une Réponse qui est tome XXVIII, page 385.