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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/442

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CORRESPONDANCE.

des Grecs n’en traita point de pareil. Je regarde cette cérémonie auguste comme le plus beau jour de votre vie : je dis de votre vie passée, car je compte bien que vous en aurez de plus beaux encore.

Puisque vous avez déjà un Platon à Pétersbourg, j’espère que MM. les comtes Orlof vont former des Miltiades et des Thémistocles en Grèce.

J’ai l’honneur, madame, d’envoyer à Votre Majesté impériale la traduction d’un sermon lithuanien[1], en échange de votre sermon platonicien : c’est une réponse modeste aux mensonges un peu grossiers et ridicules que les confédérés de Pologne ont fait imprimer à Paris.

C’est un grand bonheur d’avoir des ennemis qui ne savent pas mentir avec esprit. Ces pauvres gens ont dit dans leur manifeste que vos troupes n’osaient regarder les Turcs en face. Ils ont raison, elles n’ont presque jamais vu que leur dos. Je ne sais pas quel sermon les Autrichiens vont prêcher en Hongrie. C’est peut-être la paix, c’est peut-être une croisade. On nous conte que le sultan Ali-bey est demeuré court dans un de ses sermons en Syrie, et qu’il a presque perdu la parole. Je n’en crois rien vous le rendrez plus éloquent que jamais. Moustapha sera prêché à droite et à gauche ; il finira par se confesser à l’évêque Platon, et par avouer qu’il est un gros cochon qui a grommelé contre mon auguste héroïne fort mal à propos. J’ai toujours l’honneur de haïr son croissant autant que j’ai d’attachement, de respect, et de reconnaissance, pour la brillante étoile du Nord.

Le vieil Ermite de Ferney.
8287. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[2].
Paris, 15 mai 1771.

Non, non, je ne hais point la philosophie, mais j’estime peu ceux qui n’en ont que le masque, sous lequel ils cachent l’orgueil et l’insolence. Vous n’aimez pas plus que moi les paradoxes, les raisonnements ennuyeux, le style froid, fade ou déclamatoire. Prenez-vous-en à vous si je suis devenue difficile.

Me soupçonnez-vous de lire tous les écrits dont nous sommes inondés ? Pour me forcer à les lire, on me dit qu’il y en a de vous : je les parcours ; je ne vous reconnais dans aucun ; je les jette tous au feu.

  1. Voyez le Sermon du papa Nicolas Charisteski, tome XXVIII, page 409.
  2. Correspondance complète, édition de Lescure, 1865.