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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/469

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ANNÉE 1771.

cela ne ressemble point à vos dames de Paris : j’ai cru voir Tomyris qui parle français.

Je vous prie, quand vous verrez quelque premier commis des bureaux, de lui demander pourquoi on parle notre langue à Moscou et à Yassi. Pour moi, je crois qu’on en a plus d’obligation à votre Bélisaire et autres ouvrages semblables, qu’à nos lettres de cachet.

Est-il vrai que nous aurons bientôt vos Incas ? est-ce dans leur patrie qu’il faut chercher le bien-être ? Je suis bien sûr que j’y trouverai le plaisir ; c’est ce que je trouve rarement dans les livres qui me viennent de France : j’ai grand besoin des vôtres.

Avez-vous vu la Dunciade et l’Homme dangereux, etc., en trois volumes ? Il y a bien de la différence entre chercher la plaisanterie et être plaisant.

Bonsoir, mon très-cher confrère ; souvenez-vous de moi avec ceux qui s’en souviennent, et aimez toujours un peu votre plus ancien ami. Mme Denis vous fait mille tendres compliments.

8315. — À M. L’ABBÉ MIGNOT.
À Ferney, 24 juin.

Du temps de la Fronde, mon cher ami, on criait bien autrement contre les sages attachés à la bonne cause ; mais, avec le temps, la guerre de la Fronde fut regardée comme le délire le plus ridicule qui ait jamais tourné les têtes de nos Welches impétueux et frivoles.

Je ne donne pas deux années aux ennemis de la raison et de l’État pour rentrer dans leur bon sens.

Je ne donne pas six mois pour qu’on bénisse monsieur le chancelier de nous avoir délivrés de trois cents procureurs. Il y a vingt-quatre ans que le roi de Prusse en fit autant : cette opération augmenta le nombre des agriculteurs, et diminua le nombre des chenilles.

Vous avez fait une belle œuvre de surérogation, en remettant votre place de juge de la caisse d’amortissement, et je ne crois pas cette caisse bien garnie ; mais enfin vous résignez quatre mille livres d’appointement cela est d’autant plus beau que la faction ne vous en saura aucun gré. Quand les esprits sont échauffés, on aurait beau faire des miracles, les pharisiens n’en crient pas moins Tolle[1] ! mais cela n’a qu’un temps.

  1. « Tolle ! tolle ! crucifige eum ! » (Jean, xix, 15.)