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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/477

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ANNÉE 1771.

meries dans un temps où le goût est entièrement perdu à la cour et égaré à la ville. Il ne reste plus rien du dernier siècle ; il est enterré, et je m’enterre aussi.

Je remercie infiniment Mme d’Argental d’avoir fait parvenir à Mme Corbi[1] les imprécations contre les cannibales en robe[2] qui se sont souillés tant de fois du sang innocent, et qu’on a la bêtise de regretter. Il était digne de notre nation de singes de regarder nos assassins comme nos protecteurs. Nous sommes des mouches qui prenons le parti des araignées.

Je sais bien qu’il y a des torts de tous les côtés ; cela ne peut être autrement dans un pays sans principes et sans règles.

On dit que les fortunes des particuliers se sentiront de la confusion générale ; il le faut bien, et je m’y attends. Ma colonie sera détruite, mes avances perdues, toutes mes belles illusions évanouies.

Je crois que mon ange a été sollicité de parler à M. de Monteynard en faveur de douze mille braves gens qui sont, je ne sais pourquoi, esclaves de vingt chanoines. On ne sait point à Paris qu’il y a encore des provinces où l’on est fort au-dessous des Cafres et des Hottentots.

Mon cher ange aura sans doute fait sentir à M. de Monteynard tout l’excès d’horreur et de ridicule que douze mille hommes, utiles à l’État, soient esclaves de vingt fainéants, chanoines, remués[3] de moines. M. de Monteynard a trop de raison pour ne pas être révolté d’un si abominable abus.

Que dirai-je d’ailleurs à mes anges, du fond de mes déserts ? qu’il y a deux solitaires qui leur sont attachés plus tendrement que jamais, et pour toute leur vie.

8322. — À CATHERINE II,
impératrice de russie.
À Ferney, 6 juillet.

Républiques, grands potentats,
Qui craignîtes que Catherine
N’achevât bientôt la ruine

  1. C’était sans doute une personne de la famille de Corbi, facteur en librairie, dont il est parlé dans la lettre 2921, tome XXXVIII, page 381.
  2. L’opuscule intitulé les Peuples au parlement, tome XXVIII, page 413.
  3. Ici remués signifie issus. Regnard a dit dans son Légataire, acte I, scène i :

    Remués de germain.