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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/478

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CORRESPONDANCE.

Du plus pesant des Moustaphas ;
Vous, qui du moins ne voulez pas
Seconder son ardeur divine,
Je n’irai point dans vos États ;
Je ne veux voir que les climats
Honorés par mon héroïne.


Votre Majesté impériale doit être bien persuadée que mon projet est de passer l’été à Pétersbourg, avant d’aller jouir des douceurs de l’hiver à Taganrog. Elle daigne me dire, dans sa lettre du 23 mai, que je pourrais avoir bien froid pendant huit mois ; mais, madame, avez-vous comme nous cent vingt milles de montagnes de glaces éternelles, sur lesquelles un aigle et un vautour n’oseraient voler ? Voilà pourtant ce qui forme la frontière de cette belle Italie ; voilà ce que M. le comte de Schouvalow a vu, ce que tous vos voyageurs ont vu, et ce qui fait ma perspective vis-à-vis mes fenêtres. Il est vrai que l’éloignement est assez grand pour que le froid en soit diminué ; et il faut avouer qu’on mange des petis pois peut-être un peu plus tard auprès de Pétersbourg que dans nos vallées ; mais ma passion, madame, augmente tous les jours tellement que je commence à croire que votre climat est plus beau que celui de Naples.

Je me flatte que Votre Majesté doit avoir reçu actuellement les quatrième et cinquième tomes du questionneur[1].

Si je questionnais le chevalier de Boufflers, je lui demanderais comment il a été assez follet pour aller chez ces malheureux confédérés, qui manquent de tout, et surtout de raison, plutôt que d’aller faire sa cour à celle qui va les mettre à la raison.

Je supplie Votre Majesté de le prendre prisonnier de guerre ; il vous amusera beaucoup ; rien n’est si singulier que lui, et quelquefois si aimable. Il vous fera des chansons ; il vous dessinera ; il vous peindra, non pas si bien que mes colons de Ferney vous ont peinte sur leurs montres, mais il vous barbouillera. Le voilà donc, ainsi que M. de Tott, protecteur de Moustapha et de l’Alcoran. Pour moi, madame, je suis fidèle à l’Église grecque, d’autant plus que vos belles mains tiennent en quelque façon l’encensoir, et qu’on peut vous regarder comme le patriarche de toutes les Russies.

Si Votre Majesté impériale a une correspondance suivie avec

  1. Les tomes IV et V des Questions sur l’Encyclopédie, envoyés le 6 mai ; voyez lettre 8277.