Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/493

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
483
ANNÉE 1771.

avec son frère l’archevêque d’Aix[1], à l’oculiste Grandjean. Il serait plaisant qu’un archevêque me rendît la vue.

Je demande bien pardon à mon héros de l’entretenir ainsi de mes misères, mais il a voulu que je lui écrivisse. Il est assez bon pour me dire que ces misères l’amusent ; je ne suis pas assez vain pour m’en flatter ; ainsi je finis avec le plus profond respect et le plus tendre attachement.

8337. — À M. LE MARECHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, le 21 juillet.

Je mets à profit vos bontés, monseigneur ; permettez que je vous envoie la lettre que j’écris à M. l’abbé de Blet[2].

Je suis toujours émerveillé de voir que les affaires des plus grands seigneurs du royaume ne soient pas plus en ordre que celles de l’État.

Le connétable de Lesdiguières disait à cet infortuné duc de Montmorency : « N’entreprenez jamais rien que vous n’ayez six cent mille écus dans vos coffres ; j’en ai toujours usé ainsi, et je m’en suis bien trouvé. »

Mon héros a eu bien raison de me dire que ma petite vanité d’être le Sancho-Pança du village de Barataria est un jeu qui ne vaut pas la chandelle ; mais cela a été entrepris dans un temps où j’avais la protection la plus entière, où je faisait tout ce que je voulais, où Sancho-Pança n’approchait pas de moi, où les croix de Saint-Louis, les pensions, les brevets, pleuvaient à ma moindre requête le rêve est fini.

Je ne crois pas que mon désert suisse et les petits intérêts du plus petit canton de la France doivent occuper beaucoup M. le duc d’Aiguillon, qui doit jeter la vue sur des objets beaucoup plus dignes de son attention. Je crains surtout de l’importuner dans les commencements de son ministère ; et quoique je ne sois point bavard en fait d’affaires, cependant je crains toujours d’importuner un homme d’État. S’il veut bien, quand il sera un peu de loisir, permettre que je lui envoie un mémoire que je crois absolument nécessaire dans la circonstance présente, je

  1. Jean de Dieu-Raymond de Cucé de Boisgelin, né en 1732, évêque de Lavaur en 1765, archevêque d’Aix en 1770, archevêque de Tours en 1802, puis cardinal, mort le 22 août 1804.
  2. La lettre à cet abbé manque.