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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/529

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ANNÉE 1771.

gance aura-t-elle des suites ? l’Académie agira-t-elle ? est-ce à l’Académie qu’on en veut ? la chose est-elle sérieuse, ou est-ce une plaisanterie ? Je vous demande en grâce de me mettre au fait, cela en vaut la peine.

Nous avons ici Mme Dix-neuf ans, dont vous êtes le médecin. Elle a perdu de son embonpoint, mais elle a conservé sa beauté. Son mari nous a dit des choses bien extraordinaires ; tous deux sont très-aimables ; ils méritent de prospérer, et ils prospéreront. Pour moi, je me meurs tout doucement. Bonsoir, mon très-cher et très-grand philosophe.

J’ajoute que La Harpe m’ayant pressé très-vivement d’écrire à monsieur le chancelier, j’ai pris cette liberté, quoique je la croie assez inutile ; mais enfin je lui ai dit ce que je pensais sur les discours académiques, sur la Sorbonne, et sur l’Encyclopédie.

8379. — À CATHERINE II,
impératrice de russie.
À Ferney, 2 octobre.

Seigneur Moustapha, je demande pardon à Votre Hautesse du dernier compliment que je vous ai fait sur votre flotte[1], prétendue brûlée par ces braves Orlof ; ce qui est vraisemblable n’est pas toujours vrai. On m’avait mal informé, mais vous avez encore de plus fausses idées que je n’ai de fausses nouvelles.

Vous vous êtes plus lourdement trompé que moi, quand vous avez commencé cette guerre contre ma belle impératrice. Vous êtes bien payé d’avoir été un ignorant qui, du fond de votre sérail, ne saviez point à qui vous aviez affaire ! Plus vous étiez ignorant, et plus vous étiez orgueilleux. C’est une grande leçon pour tous les rois. Il y a près de trois ans que je vous prédis malheur. Mes prédictions se sont accomplies ; et quant à votre flotte brûlée, ce qui est différé n’est pas perdu. Comptez sur MM. les comtes Orlof.

D’ailleurs il est bien plus agréable de vous prendre la Crimée que de vous brûler quelques vaisseaux. Ne soyez plus si glorieux, mon bon Moustapha. Il est vrai que mon impératrice vous donne une place dans son temple de mémoire ; mais vous y serez placé comme les rois vaincus l’étaient au Capitole.

On m’écrit que vous entendez enfin raison, et que vous

  1. Voyez lettre 8370.