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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/547

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ANNÉE 1771.

cupidité les trompe ; d’ailleurs leur situation n’est point du tout celle de Saint-Claude. Ces seigneurs ont des titres, et les chanoines de Saint-Claude n’en ont point. Nous ne plaidons que contre des moines usurpateurs et des moines faussaires.

Je vais répondre à M. l’abbé du Vernet, qui daigne être mon historien[1]. Il est plaisant à la vérité qu’on fasse l’histoire d’un homme de son vivant ; mais je pense que je pourrai esquiver ce ridicule, et que je serai mort avant qu’il ait rassemblé ses matériaux, car ma santé est horriblement délabrée. Cette mauvaise santé, les neiges qui vont m’engloutir, les fluxions sur les yeux qui recommencent, et les embarras horribles qui sont des suites inévitables de la fondation de ma colonie, ont fait un peu de tort aux vers alexandrins du neveu de M. Lantin et de l’autre jeune homme. La poésie s’accorde mal avec les tribulations.

Vous me direz que j’ai pourtant toujours aimé ce maudit métier au milieu des épines. Cela est vrai ; mais à la fin on succombe. Que ne puis-je succomber à la tentation de venir vous embrasser, et vous renouveler les plus tendres sentiments dont un cœur ait jamais été pénétré ! V. P. S. M. Dupuits vous apportera le six et le sept[2].

8398. — À M. L’ABBÉ DU VERNET.
Ferney, le 8 novembre.

Le vieux malade, dont M. l’abbé du Vernet daigne être l’historien, n’a pas été en état de le remercier plus tôt. Comme on ne fait guère l’histoire des gens qu’après leur mort, il est à croire que monsieur l’abbé sera bientôt dans les règles. Le vieillard est mourant ou à peu près, et probablement son curé l’aura dûment enterré avant que l’ouvrage puisse paraître.

On ne manquera pas d’envoyer, en attendant, tout ce que monsieur l’abbé a la bonté de demander. S’il pouvait venir faire un petit tour à Ferney, il serait à portée de lire beaucoup de choses et de jeter de l’eau bénite sur le corps du défunt, qui se recommande à ses prières.

M. de La Condamine sait l’histoire de Pelletier-des-Forts[3] et

  1. Cette Vie de Voltaire ne parut qu’en 1786. (A. F.)
  2. Les tomes VI et VII des Questions sur l’Encyclopédie.
  3. Voyez ce que Voltaire lui-même en dit dans son Commentaire historique, tome Ier.