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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/566

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CORRESPONDANCE.

les soins infatigables du comte Orlof, à un dixième de ce qu’elles étaient. Ses frères ont fait le diable à quatre dans l’Archipel ; ils ont partagé en deux leur flotte le frère aîné, depuis le cap Matapan jusqu’à Lemnos, a enlevé aux Turcs beaucoup de magasins et de bâtiments, et a détruit ce qu’il ne pouvait emporter ; le cadet en a fait autant sur les côtes d’Afrique et d’Asie ; mais sa maladie l’a obligé de retourner à Livourne.

Si ces nouvelles, monsieur, peuvent vous rendre la santé, elles auront un nouveau mérite à mes yeux ; l’on ne saurait s’intéresser plus sincèrement que je le fais à tout ce qui vous regarde.

Je sens parfaitement aussi tout le prix des sentiments que vous voulez bien avoir pour moi.

8420. — À M. FRANÇOIS TRONCHIN.
Au château de Ferney, le 1er décembre.

Mon cher successeur des Délices[1], je m’en rapporte bien à vous sur la statue ; personne n’est meilleur juge que vous. Pour moi, je ne suis que sensible ; je ne sais qu’admirer l’antique dans l’ouvrage de M. Pigalle ; nu ou vêtu, il ne m’importe. Je n’inspirerai pas d’idées malhonnêtes aux dames, de quelque façon qu’on me présente à elles. Il faut laisser M. Pigalle le maître absolu de la statue. C’est un crime en fait de beaux-arts de mettre des entraves au génie. Ce n’est pas pour rien qu’on le représente avec des ailes ; il doit voler où il veut et comme il veut.

Je vous prie instamment de voir M. Pigalle, de lui dire comme je pense, de l’assurer de mon amitié, de ma reconnaissance, et de mon admiration. Tout ce que je puis lui dire, c’est que je n’ai jamais réussi dans les arts que j’ai cultivés que quand je me suis écouté moi-même.

8421. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
2 décembre.

Mon cher ange, Florian arrive ; il m’apporte votre lettre. Je suis bien faible, bien misérable, bien accablé de tous les horribles détails de ma colonie, qui ne conviennent guère à un vieux malade ; mais je vous réponds sur-le-champ comme je peux, et cela article par article, comme un homme qui fait semblant d’avoir de l’ordre.

  1. C’est l’ancien conseiller d’État de Genève ; il était alors à Paris. François Tronchin avait acheté la terre des Délices, qui avait appartenu à Voltaire.