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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/565

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ANNÉE 1771.


8419. — DE CATHERINE II[1],
impératrice de russie.
Pétersbourg, 18-29 novembre 1771.

Monsieur, je réponds par cette lettre à deux des vôtres, l’une du 2, l’autre du 18 d’octobre.

Monsieur, pour faire tenir votre lettre[2] au seigneur Moustapha, le maréchal Roumiantsof a envoyé, vers la moitié du mois passé, le général-major Weissmann au delà du Danube, où, après avoir fait sauter en l’air deux forts, il a marché à Babada, où le grand vizir était campé ; il a pris cette place, et battu les troupes du vizir, s’est emparé des canons fondus par M. Tott, l’année passée, à Constantinople ; après quoi poliment il est entré dans le camp pour parler au vizir, mais il ne l’y a plus trouvé.

Il a envoyé ses troupes légères jusqu’au mont Hémus sans rencontrer à qui s’adresser. Alors M. Weissmann, croyant sa commission achevée, retourna vers Issaktchi, qu’il rasa. Pendant ce temps-là un autre général-major a pris les forts de Matchina et de Ghirsova, tandis que le lieutenant général Essen s’amusait à battre les quarante mille Turcs qui s’étaient avancés en Valachie, et puis il reprit Giurgeva.

Les deux rives du Danube, depuis cet endroit jusqu’à la mer, sont présentement nettoyées de Turcs, comme une maison hollandaise pourrait l’être de la poussière. Tout ceci s’est passé du 20 au 27 d’octobre, vieux style.

Consolez-vous, monsieur ; votre cher Ali-bey est maître de Damas. Mais quelle honte pour vos compatriotes, pour cette noblesse française si remplie d’honneur, de courage et de générosité, de se trouver parmi ces brigands de Pologne, qui font serment, devant des images miraculeuses, d’assassiner des rois, quand ils ne savent pas combattre ! Si, après ce coup, M. de Vieux-Ménil et ses compagnons ne quittent point ces gens-là, que faudra-t-il en penser ?

Nous avons ici présentement le kalga sultan, frère du kan indépendant de la Crimée : c’est un jeune homme de vingt-cinq ans, rempli d’esprit et qui désire de s’instruire.

Je vous remercie bien sincèrement de l’envoi des sixième et septième volumes des Questions ; mais vos fabricants ont-ils reçu mon argent pour leurs marchandises ? Vous ne m’en dites pas un mot dans vos lettres des 2 et 18 d’octobre, ni dans celle du 2 novembre ; cependant cet argent a été envoyé depuis très-longtemps par le banquier Friederichs à Tortone, et par Bauer à Paris pour vous être payé.

J’ai encore à vous dire que les maladies de Moscou sont réduites, par

  1. Collection de Documents, Mémoires et Correspondances, etc., publiée par la Société impériale de l’histoire de Russie, tome XV, page 189.
  2. Par cette plaisanterie, Catherine répond à celle de la lettre 8379.